Une chasse privée commerciale née des travaux de la centrale nucléaire du Blayais a été transformée en zone humide riche en oiseaux.
L’estuaire de la Gironde est le plus vaste d'Europe occidentale mais il est peu connu des naturalistes malgré son intérêt botanique et ornithologique. Il est composé d’habitats variés : vasières, prés salés, roselières, mares, ripisylves, prairies humides, cultures et falaises calcaires. De vastes marais s’étendaient autrefois le long de sa rive droite, entre Blaye et Mortagne-sur-Gironde, mais ils ont subi de grands travaux de drainage à partir du 17ème siècle afin de les transformer en terres agricoles.
Le domaine des Nouvelles Possessions, sur la commune de Braud et Saint Louis (Gironde), était autrefois un ensemble de 120 hectares de prairies humides quadrillées par des fossés. En 1976, pour la construction de la centrale nucléaire de Blaye, il a été divisé en huit carrés endigués destinés à recevoir les boues extraites des fondations. Au début des années 1980, il a été acheté par un particulier qui l’a asséché et lâché du gibier, puis en 2002, la commune de Braud et Saint Louis a acquis cette zone dégradée. Afin de favoriser le retour et l’installation de nouvelles espèces d’oiseaux, des travaux d’aménagement, une gestion adaptée du réseau hydraulique et un entretien du milieu par des poneys, des vaches et des moutons ont été mis en place. Trois sentiers balisés jalonnés d'observatoires et une tour ont été créés.
Le domaine a été classé en réserve communale de chasse et de faune sauvage en 2007. Afin de développer l’écotourisme, un parc ornithologique appelé Terres d’Oiseaux a été ouvert au public en 2010.
Grâce à Florian Sarrazin, le directeur de ce site, nous vous proposons une présentation de cette zone humide de plus en plus intéressante pour l’observation des oiseaux.
Historique
Situation du parc ornithologique Terres d'Oiseaux (Gironde). Carte : Ornithomedia.com |
L’histoire du parc ornithologique Terres d’Oiseaux est liée à la construction en 1976 de la centrale nucléaire de Blayais : le domaine des Nouvelles Possessions, un ensemble de 120 hectares de prairies humides situé sur la commune de Braud et Saint Louis (Gironde), avait été choisi pour recevoir les boues extraites des fondations. Huit grands casiers endigués ont été creusés et un canal central tracé pour drainer le site. Au début des années 1980, le domaine a été acheté par un particulier qui l’a en grande partie asséché et qui a relâché des animaux (cailles, perdrix, faisans, daims) pour en faire une chasse privée. En 2002, la commune de Braud et Saint Louis est devenue propriétaire de cette zone très dégradée et a entrepris dès 2003, avec l’aide de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), les premiers aménagements pour favoriser l'avifaune. Les premiers groupes scolaires ont été accueillis cette même année.
Le site a été ouvert au public durant la période estivale à partir de 2006 et il a été classé en communale de chasse et de faune sauvage (réserve de Braud et Saint Louis ou des Nouvelles Possessions) en 2007. Durant les trois années suivantes, un plan de gestion a été élaboré pour faire de cette réserve un pôle d’écotourisme : le parc ornithologique "Terres d’Oiseaux" a été ouvert au public en juillet 2010.
Les objectifs du parc
Les objectifs du parc ornithologique Terres d’Oiseaux sont multiples :
- restaurer la zone humide et contribuer à la conservation des espèces
- faire connaître le patrimoine culturel des marais du Blayais
- développer l’écotourisme en améliorant les conditions d’observation (créations de sentiers pédagogiques et d’observatoires), en rénovant les bâtiments existants pour l'accueil et la restauration des visiteurs (accueil/billetterie, restaurant avec terrasse panoramique dominant l'estuaire), en installant un ponton pour permettre l'accès des bateaux à passagers et en réhabilitant le port des Callonges.
De nombreux travaux pour attirer les oiseaux
Vue du parc ornithologique Terres d'Oiseaux (Gironde) depuis la tour d'observation (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Florian Sarrazin |
Pour favoriser le stationnement et la nidification des oiseaux et améliorer les conditions d’accueil des visiteurs, de nombreux travaux ont été réalisés et continuent de l’être. Les déblais des fondations de la centrale nucléaire du Blayais, située 500 mètres plus au sud, ont été peu à peu colonisés par les roselières. Les aménageurs ont voulu créer une mosaïque d’habitats typiques de l’estuaire de la Gironde, ce qui a nécessité des travaux de rénovation des ouvrages hydrauliques en place, la plantation d'essences locales, la densification des roselières (pour favoriser l’installation des passereaux paludicoles), la création de trois petits plans d'eau (de 0,55 à 1,5 hectare) et la création de talus pour inciter le Martin-pêcheur d’Europe (Alcedo atthis) à nicher. Des poneys barthais, des vaches bordelaises et des moutons landais, des animaux rustiques en voie de disparition confiés par le conservatoire des races d'Aquitaine contribuent à entretenir les prairies humides pour faciliter la nidification de limicoles comme l'Échasse blanche (Himantopus himantopus) et le Vanneau huppé (Vanellus vanellus).
Un système d'assainissement autonome par lits à macrophytes (un système qui consiste de faire circuler l'eau à travers un filtre de graviers sur lequel poussent des plantes aquatiques) a été installé pour gérer les eaux usées des installations d'accueil du public.
Dans les parties les plus humides, des caillebotis de chêne permettent aux visiteurs de circuler sans gêner la circulation de l’eau. Une tour d'observation panoramique (dix mètres de haut) a été installée à proximité de l'espace d'accueil afin de percevoir l'étendue et la diversité du site et d'en faciliter l'interprétation dans le cadre des visites. Une mare pédagogique a été créée près du centre d’information. Trois sentiers pédagogiques (de 5 km au total), jalonnés de neuf observatoires (lire Observatoires permanents et promenades/passerelles en bois) et de deux brise-vues équipés de longues-vues, ont été dessinés. Des guides nature sont toujours à la disposition des visiteurs, et des visites guidées sont proposées.
Pour évaluer la richesse ornithologique du parc, l’O.N.C.F.S. mène des programmes de suivi scientifique de l’avifaune pilotés par le Centre de Recherche sur le Baguage des Populations d’Oiseaux.
Observatoire dans le parc ornithologique Terres d'Oiseaux (Gironde) (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Florian Sarrazin |
|
Tour d'observation dans le parc ornithologique Terres d'Oiseaux (Gironde) (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Florian Sarrazin |
|
Accès et tarifs
Carte du parc ornithologique Terres d'Oiseaux (Gironde) : en rouge, les sentiers de découverte. Carte : Ornithomedia.com d'après Terres d'Oiseaux |
Depuis Bordeaux (65 km), il faut suivre l’autoroute A10 vers Royan et prendre la sortie numéro 38 (15 km du parc). Autrement, depuis Blaye, on peut prendre la D 255 jusqu’à Braud-Saint-Louis puis Saint-Ciers-sur-Gironde et rejoindre le parc ornithologique qui est situé à 500 mètres au nord de la centrale du Blayais.
Vous pouvez télécharger au format PDF la carte du parc avec les emplacements des observatoires et les tracés des circuits.
Le parc est ouvert 7jours/7 de mars à octobre, puis du lundi au vendredi de novembre à février. La fermeture annuelle est comprise entre le 24/12 et le 05/01.
Tarifs : 6 € pour les adultes et 4 € pour les enfants de moins de 15 ans. Le parc est gratuit pour les moins de 5 ans.
Des visites guidées sont proposées. Chaque mois, de mars à octobre, un thème différent est abordé au travers d’un week-end d’animations, d’une exposition et de la projection gratuite d’un documentaire. Une boutique de produits a été créée. Des restaurants sont situés à proximité.
Un parc prometteur
Le parc ornithologique Terres d’Oiseaux est encore jeune : certains habitats (roselières et prairies humides) vont se développer et les oiseaux vont peu à peu le découvrir. Le nombre d'espèces nicheuses et hivernantes est en augmentation significative depuis 2010 (les programmes de baguage en témoignent) : la Gallinule poule-d'eau (Gallinula chloropus), le Râle d'eau (Rallus aquaticus), le Grèbe castagneux (Tachybaptus ruficollis), le Faucon crécerelle (Falco tinnunculus), le Héron cendré (Ardea cinerea) et le Vanneau huppé s’y reproduisent régulièrement désormais.
Le parc a en effet des atouts : sa position géographique au coeur d’un grand estuaire et le long d’une importante voie migratoire, un rôle de refuge dans un secteur subissant une forte activité cynégétique et de grandes roselières (parmi les dernières du secteur). Il pourrait ainsi connaître le succès d’autres zones dégradées restaurées en France et en Europe, comme le Domaine des oiseaux en Ariège (Lire Le domaine des oiseaux de Mazères, un chantier réussi) ou le Weidmoos en Autriche (Lire Le Weidmoos, un retour de la nature accompagné par l'Homme).
Paysage dans le parc ornithologique Terres d'Oiseaux (Gironde) (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Florian Sarrazin |
|
Prairie humide dans le parc ornithologique Terres d'Oiseaux (Gironde) (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Florian Sarrazin |
|
Les oiseaux nicheurs
Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica) dans le parc ornithologique Terres d'Oiseaux (Gironde) (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Florian Sarrazin |
Plus de 135 espèces d’oiseaux sont visibles durant l’année dans le parc, dont 54 nicheuses et 60 hivernantes.
Parmi les oiseaux nicheurs, outre ceux énumérés plus haut, citons la Cigogne blanche (Ciconia ciconia) (trois couples installés sur des plateformes), le Busard des roseaux (Circus aeruginosus) (un couple fidèle depuis plusieurs années), la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica) (cinq couples certains) et la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio) (six couples). Outre la Gorgebleue à miroir, la Rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus) nichent dans la roselière de plus de 40 hectares. La nidification de la Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus) est incertaine.
Cinq couples d'Échasses blanches ont niché en 2014 (sur la vingtaine installée).
Le Héron pourpré (Ardea purpurea) et le Busard cendré (Circus aeruginosus) nichent à proximité du site, l’estuaire de la Gironde étant un site important au niveau national pour ces deux espèces (lire Laurent Couzi et les oiseaux de l’estuaire de la Gironde) : le premier vient se nourrir régulièrement dans le parc tandis que le second le survole parfois.
Le Circaète Jean-Le-Blanc (Circaetus gallicus), qui se reproduit dans la région, chasse rarement sur les prairies et les roselières du parc et le Faucon crécerelle (Falco tinnunculus), le Hibou moyen-duc (Asio otus), la Buse variable (Buteo buteo) et le Milan noir (Milvus migrans) nichent dans les boisements.
Les oiseaux lors des migrations
Les migrateurs sont de plus en plus nombreux et diversifiés au printemps et en automne. Parmi les limicoles régulièrement observés, citons la Bécassine des marais (Gallinago gallinago), le Petit Gravelot (Charadrius dubius), le Vanneau huppé, plusieurs chevaliers dont les Chevaliers gambette (Tringa totanus), arlequin (Tringa erythropus) et aboyeur (Tringa nebularia), plusieurs espèces de bécasseaux, le Combattant varié (Philomachus pugnax) et la Barge à queue noire (Limosa limosa). Les stationnements sont parfois significatifs : au printemps 2014, près de 100 Grands Gravelots et 60 Chevaliers gambettes ont séjourné quelques jours. Les Échasses blanches sont de plus en plus nombreuses en halte prénuptiale (plusieurs dizaines) et postnuptiale (jusqu'à 100 en 2013).
Pour observer les échassiers, les deux observatoires donnant sur les prairies inondées sont les plus favorables, et deux des trois nouveaux observatoires prévus dans la partie est du parc à proximité de vasières, d’îlots et de roselières devraient encore faciliter leur observation.
Spatule blanche (Platalea leucorodia) dans le parc ornithologique Terres d'Oiseaux (Gironde) (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Florian Sarrazin |
Plusieurs espèces d’Ardéidés (Aigrette garzette, Grande Aigrette, Hérons cendré et pourpré...), ainsi que plus rarement la Cigogne noire (Ciconia nigra) à la fin de l’été, se nourrissent sur les plans d'eau peu profonds et dans les prairies inondées. C’est aussi le cas des Spatules blanches (Platalea leucorodia), qui se rassemblent volontiers lors du passage postnuptial sur les îlots du principal plan d'eau : une vingtaine d’entre elles était en moyenne présente durant tout le mois d'août 2014.
Plusieurs dizaines de canards de surface se nourrissent dans les prairies et sur les plans d’eau durant les passages.
Le programme de baguage des passereaux fréquentant la roselière durant la halte migratoire postnuptiale a permis de confirmer l’importance de ce milieu pour leur repos et leur nourrissage : plus de 3 000 oiseaux d’une trentaine d’espèces différentes (37), dont le Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola), ont été capturés en 2013 et 2014. Les oiseaux les plus nombreux étaient la Rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus) (50 % des captures), le Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus) (30 %) et la Gorgebleue à miroir (7 %).
Quelques Guêpiers d’Europe (Merops apiaster) s'arrêtent brièvement sur le site à la fin de l’été, et le Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) est devenu annuel depuis 2012 lors du passage automnal.
Des "raretés" ont déjà été vues comme le Phalarope de Wilson (Phalaropus tricolor) en 2011, la Pie-grièche grise (Lanius excubitor) en 2012 et la Marouette ponctuée (Porzana porzana) en 2013 et 2014.
Les oiseaux en hiver
En hiver, des troupes de canards de surface profitent de la tranquillité du parc : les effectifs de Sarcelles d’hiver (Anas crecca) (autour de 400) et de Canards colverts (Anas platyrhynchos) sont restés globalement stables depuis l'aménagement du site, alors que ceux des Bécassines des marais (une centaine en moyenne) et des Vanneaux huppés (de quelques dizaines à plus de 1 000 ponctuellement) sont plus fluctuants.
Le Butor étoilé (Botaurus stellaris) est noté chaque hiver depuis 2011 mais sa présence est liée à l’intensité du froid. Durant la saison 2012-2013, il a été vu pendant quinze jours depuis le même observatoire. Mais cette espèce est très discrète et son observation nécessite de la chance et de la patience.
La Grande Aigrette (Ardea alba) est de plus en plus commune à cette saison, comme ailleurs en France (Pourquoi voit-on plus de Grandes Aigrettes en France ?).
Bécassine des marais (Gallinago gallinago) dans le parc ornithologique Terres d'Oiseaux (Gironde) (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Florian Sarrazin |
|
Grande Aigrette (Egretta alba) dans le parc ornithologique Terres d'Oiseaux (Gironde) (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Florian Sarrazin |
|
Les mammifères
Des indices de présence du rare Vison d'Europe (Mustela lutreola) et de la Loutre d’Europe (Lutra lutra) ont été trouvés. Parmi les mammifères régulièrement présents, citons le Renard roux (Vulpes vulpes), le Blaireau européen (Meles meles) et le Ragondin (Myocastor coypus). La Belette d'Europe (Mustela nivalis), la Fouine (Martes foina), le Chevreuil (Capreolus capreolus), le Daim européen (Dama dama) (introduit) et le Sanglier (Sus scrofa) sont parfois visibles.
Le parc ornithologique accueille aussi bien sûr plusieurs espèces de batraciens et de reptiles.