Des milliers de Grues cendrées font une halte en janvier-mars et en octobre-novembre et hivernent dans ce secteur du département des Landes.
La Grue cendrée (Grus grus)
Situation d'Arjuzanx (Landes). Carte : Ornithomedia.com |
Pour en savoir plus sur cette espèce passionnante, nous vous conseillons la monographie de Laurent Couzi intitulée "La Grue cendrée, histoire naturelle d'un grand migrateur", publiée en 2005 aux éditions Sud-ouest (lire Monographie " Grue cendrée, histoire naturelle d'un grand migrateur").
Si vous voulez observer les grues sur les lacs de Champagne, nous vous recommandons la carte Le pays des Grues cendrées, le lac du Der et les lacs aubois.
La réserve nationale de chasse d'Arjuzanx
Une grande partie (2452 hectares) de l'ancien site minier d'Arjuzanx, réparti sur les communes d'Arjuzanx, de Morceux, de Rion-les-Landes et de Villeneuve, a été classée en 1987 en Réserve National de Chasse et de Faune Sauvage.
Il s'agissait d'une mine d'extraction de lignite (du charbon de qualité médiocre) transformée en réserve de chasse en 1987. Des travaux de réhabilitation y ont été conduits depuis : près de 200 millions de mètres cubes ont été déplacés pour remodeler le paysage, plus d'un million d'arbres ont été plantés, les terrils ont été aplanis et reprofilés, les profondes excavations ont été inondées...
Aujourd'hui, les habitats sont variés :
- grands plans d'eau (500 hectares au total) aux berges peu végétalisées (joncs, phragmites…)
- bassines (petites mares)
- pelouses sèches à Sporolobe tenace, Corynéphore des chiens…
- prairies pâturées
- landes à Molinie (notamment dans la partie sud)
- boisements de Pins maritimes, de Robiniers et saulaies/aulnaies le long des cours d'eau et des petites mares
- landes plus ou moins humides à Bruyère à quatre angles, Callune, Bruyère cendrée, Fougère aigle…
La faune et la flore
Vue d'une zone humide servant de dortoir aux Grues cendrées (Grus grus) dans la réserve de chasse d'Arjuzanx. Photographie : André boussard |
Outre la Grue cendrée en hiver et durant les migrations, plus de 177 espèces d'oiseaux ont déjà été notées dans la réserve. Arjuzanx est ainsi l'un des seuls sites avérés de reproduction du Busard des roseaux (Circus aeruginosus) dans le département des Landes. Quelques couples de Busards cendré (Circus pygargus) et Saint-Martin (C. cyaneus) nichent également. Le Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus) se reproduit à la périphérie immédiate du site et chasse dans les milieux ouverts en bordure des grands plans d'eau de La Commanday et du sud du site.
Le Faucon hobereau (Falco subbuteo), les Milans noir (Milvus migrans) et royal (M. milvus), la Buse variable (Buteo buteo) et le Faucon crécerelle (Falco tinnunculus) sont aussi nicheurs.
L'Engoulevent d'Europe (Caprimulgus europaeus) est bien représenté dans les pelouses en voie d'embroussaillement du plateau de Beylongue et de Commanday. La Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio) est commune dans les secteurs herbacés avec buissons dispersés, tout comme la Fauvette pitchou (Sylvia undata) dans les zones buissonneuses denses (landes à ajonc), et plusieurs dizaines de Pipits rousseline (Anthus campestris) nichent dans les pelouses pionnières dégagées. L'Alouette lulu (Lullula arborea) se reproduit dans les zones de pâturage extensif parsemées de buissons.
Au sud de la réserve, les zones humides favorisent la nidification de plusieurs Anatidés et limicoles : Sarcelles d'hiver (Anas crecca) (une quinzaine de couples), Fuligules milouins (Aythia ferina), Echasses blanches (Himantopus himantopus) et Petits Gravelots (Charadrius dubius).
En hiver, les grands lacs sont le domaine de centaines de canards, qui à leur tour attirent les rapaces comme le Faucon pèlerin (Falco peregrinus) et parfois le Pygargue à queue blanche (Haliaeetus albicilla) (hivernage relativement régulier d'un immature). Quelques Pies-grièches grises (Lanius excubitor) passent aussi la mauvaise saison à Arjuzanx.
Des centaines d'Oies cendrées (Anser anser) transitent par la réserve à la fin de l'hiver pour remonter vers leurs sites de nidification du Nord de l'Europe.
Parmi les mammifères, le Vison d'Europe (Mustela lutreola) et la Loutre d'Europe (Lutra lutra) sont sûrement présents, en particulier dans le bassin de la rivière Bez. On trouve aussi une tortue menacée, la Cistude d'Europe (Emys orbicularis), et plusieurs espèces de libellules dont la Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis).
Au niveau botanique, des espèces d'intérêt patrimonial poussent à Arjuzanx comme la Capillaire de Montpellier (Adiantum capillus veneris), les Droséras intermédiaire (Drosera intermedia) et à feuilles rondes (D. rotundifolia), le Lycopode des tourbières (Lycopodiella inundata), l'Ophioglosse commun (Ophioglossum vulgatum), la Pilulaire (Pilularia globulifera)...
La "vedette" de la réserve
Grues cendrées (Grus grus) le matin dans la réserve d'Arjuzanx. Photographie : RNCFS |
La "vedette" de la réserve, c'est la Grue cendrée (Grus grus) : Arjuzanx constitue un secteur d'importance internationale et le plus important site d'Aquitaine pour l'hivernage de l'espèce. Des dépressions inondables et peu profondes ont été aménagées en dortoirs hivernaux, et un talus de 200 hectares presque sans végétation édifié dans la partie sud de la réserve sert de pré-dortoir. Les premiers cas d'hivernage datent de 1982-1983, et en 1997, le cap des 20 000 oiseaux a été franchi. Le site accueille 10 % de la population d'Europe de l'Ouest.
Des dizaines de milliers de grues transitent en outre par le site à la fin de l'hiver et au début du printemps (janvier-mars) et en automne (octobre-novembre).
Les Landes de Gasogne et les grues
La région naturelle des Landes de Gascogne, à cheval sur les départements de la Gironde et des Landes, dans le Sud-ouest de la France, constitue l'une des principales étapes françaises (après la Lorraine et la Champagne) sur la voie de migration des grues entre l'Allemagne et l'Espagne, et certaines d'entre elles y hivernent.
Cette région, avant les grands travaux de drainage et d'enrésinement (plantation de millions de Pins maritimes) entrepris au 19ème siècle, était recouverte de vastes landes rases et de marais parcourus par des troupeaux de moutons.
Selon Félix Arnaudin, qui avait patiemment recueilli des témoignages sur la présence des Grues cendrées dans les Landes de Gascogne au 19ème siècle dans sa chronique "Choses de l'ancienne grande lande", l'espèce nichait encore dans la région au 19ème siècle, dans le secteur de Laboueyre. Mais l'espèce y disparut du fait de la plantation des pins et de la chasse. C'est l'extension des cultures de maïs dans les années 1970 qui permit de recréer des espaces ouverts favorables et une alimentation abondante même en hiver.
Aujourd'hui, la connaissance, le maintien des conditions d'accueil et la découverte de l'oiseau sont coordonnés au sein de la structure "Grus Gascogna": des plantations dédiées de maïs assurent chaque année de novembre à février l'hivernage 20 à 30 000 oiseaux depuis 25 ans.
Comment fonctionne un site d'hivernage ?
Schéma présentant les caractéristiques écologiques essentielles d'un site d'hivernage pour les Grues cendrées dans les Landes : (1) zone de refuge et de dortoir, (2) zone boisée non exploitée par les grues, (3) zone de gagnage (d'alimentation). Schéma : Ornithomedia.com d'après Pierre Petit |
Arjuzanx est un site d'hivernage important pour la Grue cendrée, car il réunit toutes les conditions écologiques nécessaires. En effet, l'hiver, l'espèce a besoin de secteurs inondés pour passer la nuit (les dortoirs ou remises), et de zones d'alimentation (ou gagnages) pour la journée.
La nuit, les grues ont besoin de dormir les pattes dans l'eau, car elles diminuent ainsi le risque de prédation par les prédateurs. Les oiseaux y dorment en groupe, ce qui permet le maintien d'une température globale un peu supérieure à celle des environs.
Durant la journée, les grues s'alimentent dans les cultures de maïs en Aquitaine (cultures de céréales en Champagne et en Espagne, mais aussi forêts claires de chênes dans ce dernier pays). Les oiseaux mangent les grains oubliés par la moisson, préfèrant les grandes parcelles dégagées.
Comment découvrir la Grue cendrée à Arjuzanx ?
Arjuzanx se situe à environ 30 km au nord-ouest de Mont-de-Marsan, et la réserve est bien indiquée. Deux aires de stationnement ont été installées au sud du lac de Commanday et au niveau de l'ancien bâtiment EDF sur la commune de Morcenx. Un pylône d'observation a été installé au sud, près du lac des Quatre-cantons.
Toutefois, l'accès à l'intérieur de la réserve est interdit au public, mais des visites sont organisées par une équipe d'animateurs de la mi-octobre à la mi-mars. Les mois les plus favorables pour l'observation sont janvier et février.
Carte de la réserve d'Arjuzanx : (1) lac de Commanday, (2) lac d'Arjuzanx, (3) lac des Quatre-Cantons, (4) lac des Agréous, (5) lac des Armaillans. Zones en rouge: pré-dortoirs et dortoirs des Grues cendrées. Routes en rouge : voies d'accès. Carte : Ornithomedia.com d'après le Conseil Général des Landes |
Contact
Syndicat mixte de gestion des milieux naturels de la Réserve Nationale de Chasse et de Faune sauvage d'Arjuzanx - Maison Barreyre - 40110 Arjuzanx. Tel: 05 58 08 11 52 - site web : Reserve-arjuzanx.fr.
Le rôle des animateurs d'Arjuzanx
La principale mission du personnel de la réserve consiste à rassembler le maximum de données sur les habitats naturels et les espèces, et en particulier sur la Grue cendrée.
Deux comptages hebdomadaires sont réalisés sur les dortoirs de la mi-octobre à la mi-mars afin de suivre le déroulement des migrations (pré- et post-nuptiales) ainsi que l'hivernage. Depuis le mirador, les gardes naturalistes dénombrent les oiseaux présents sur le site d'Arjuzanx, comptant les effectifs au lever (envol) et au coucher (rentrée). Des études comportementales (utilisation de l'espace, suivi d'oiseaux équipés) sont réalisées dans le site mais aussi à l'extérieur (zones de gagnage) :
- étude de l'occupation de l'espace afin de définir l'utilisation des milieux (zones de dortoir, pré-dortoir ou pré d'envol) et leur liens (axes de déplacement)
- recherche quotidienne d'oiseaux équipés soit par tracking (recherche d'oiseaux équipés d'émetteurs radio), soit par lecture de bagues afin de comprendre les mouvements migratoires aux niveaux national et européen de mesurer la fidélité des oiseaux à leur territoire.
Suivi des Grues cendrées (Grus grus) dans la réserve d'Arjuzanx. Photographie : RNCFS |
L'ensemble des données collectées sont communiquées au réseaux Grue France et Grue Europe (European Crane Working Group). En janvier 2006, plusieurs membres du réseau Europe se sont déplacés à Arjuzanx afin de convenir des procédures de gestion, de suivi et de décider d'un partenariat.
Depuis 2003, le personnel de la réserve participe aux campagnes de baguage des Grues cendrées en Allemagne, en association avec le groupe coordinateur allemand. Le matériel biologique prélevé lors des campagnes de baguage est analysé avec pour double objectif d'établir le sexage des grues et de définir le rôle des gènes sur la répartition des jeunes selon les différentes voies migratoires.
Un autre partenariat a été esquissé avec l'Université de Paris-Orsay (Essonne) et le laboratoire de bioacoustique du CNRS pour étudier la communication hivernale des Grues cendrées. Les premiers résultats ont permis de mettre en évidence l'existence de signatures vocales.
Pour gérer au mieux les habitats des Grues cendrées, les gardes maintiennent annuellement les conditions favorables pour l'hivernage des grues : lutte contre l'envahissement des milieux par les saules, ajoncs et pins, remise en eau de certains secteurs du "plateau", ou encore maîtrise des niveaux d'eau (dortoirs). Des tournées régulières sont organisées afin de veiller à la quiétude des grues. De très importantes actions de sensibilisation sont réalisées auprès des scolaires mais aussi du grand public, notamment lors des visites guidées.
D'autres sites importants pour les grues en Aquitaine
Grues cendrées (Grus grus) le soir (16 h 30) de retour des zones de gagnage, réserve de chasse d'Arjuzanx (Landes). Photographie : André boussard |
Outre la réserve de chasse d'Arjuzanx, il existe d'autres autres sites importants pour la migration et l'hivernage de l'espèce dans la région Aquitaine :
- le camp militaire du Poteau, d'environ 9 000 hectares, sur les communes de Captieux et de Lucmau en Gironde, et de Callen, Luxey, Lencouacq et Retjons dans le département des Landes. C'est un site important de halte lors de la migration de printemps.
- le site du Commissariat à l'Energie Atomique du Muret-Ychoux, un espace clôturé de quelques centaines d'hectares couvert de landes humides, au nord du département des Landes.
- la réserve naturelle de l'étang de Cousseau, juste derrière le cordon dunaire, le long de l'Atlantique.
- la réserve départementale de chasse de Saint-Martin-de-Seignanx, dans les Barthes de l'Adour, au sud du département des Landes.
- le lac de Puydarrieux dans les Hautes-Pyrénées (lire Observer les oiseaux du lac de Puydarrieux).
Découvrir les grues dans le camp militaire du Poteau
Le camp militaire de Captieux est bien sûr interdit au public, mais des visites guidées sont aussi organisées par des animateurs de la LPO Aquitaine ou du Parc Naturel Régional des Landes (site web : Parc-landes-de-gascogne.fr). Ils savent où aller pour des observations efficaces sans dérangement (réservations obligatoires, et rendez-vous à l'église de Captieux ou de Solférino).
Les animateurs de la LPO Aquitaine pourront aussi vous indiquer des sites d'observation dans la zone Captieux Solferino (Tel: 05 56 91 33 81).
Le matin vers les zones de gagnage par André Boussard
Pylone d'observation dans la réserve de chasse d'Arjuzanx (Landes). Photographie : André boussard |
Imaginez-vous tôt le matin à 15 mètres de hauteur dans un mirador : devant vous, à vos pieds, se trouve un dortoir où de 17 000 à 20 000 Grues cendrées terminent leur nuit. Elles sont réparties sur une surface de quelques centaines d'hectares seulement, serrées les unes contre les autres. Vous êtes à peine arrivé à votre poste d'observation (vers 7H30) qu'elles sont réveillées. Il n'y a que des mouvements lents dans les différents groupes, mais le volume sonore vous surprend.
Dans un premier temps, installez votre longue-vue et profitez du spectacle des groupes d'oiseaux partiellement éclairés, souvent nimbés d'un brouillard léger. Des grues ont encore leur tête et leur cou sous l'aile, mais la plupart commencent à s'ébrouer, à se toiletter... Quelques petits conflits s'amorcent, de rares sauts désordonnés sont perceptibles.
Mais attention, tout va aller très vite, soyez prêt ! La position et l'orientation du mirador sont très favorables pour prendre des photos. Le soleil qui s'est levé il y a peu de temps est sur votre gauche, et la lumière jaune-orangé sera superbe.
Certaines grues peuvent passer très près: donc au niveau de votre matériel-photo, vous pouvez vous limiter à un téléobjectif-zoom 100/400 mm ou à un 300 mm (évitez le convertisseur). Prévoyez entre 5,6 et 8 d'ouverture, avec par exemple 500/640 ISO pour disposer d'une vitesse entre 1/1000ème et 1/1250ème.
La clameur enfle et vous apercevez des groupes d'oiseaux qui s'élèvent en désordre. Déjà, les premières grues sont toute proches; ici deux adultes aux joues claires et un juvénile à la tête encore brun roux clair; plus loin, un groupe d'une dizaine d'individus prend de l'altitude en passant au dessus des résineux, vite rejoint par un autre nettement plus important.
Le vol est assuré, déterminé. Le départ des Grues cendrées vers les champs de maïs a commencé.
Pour tous les oiseaux, l'angle d'envol et la direction prise sont les mêmes. Et cela va durer pendant environ deux heures, les groupes ne dépassant pas une cinquantaine d'oiseaux : sur le lac du Der-Chantecocq en Champagne, les envols sont souvent nettement plus importants (plusieurs centaines par groupe, et le départ de 60 000 grues a duré moins d'une heure), à cause peut être d'un plus grand nombre d'oiseaux au total.
Et vous redescendrez du mirador, les yeux pleins de ces moments magiques et la tête emplie de ces cris typiques.
Grues cendrées (Grus grus) adulte et juvénile le matin, réserve de chasse d'Arjuzanx. Photographie : André boussard |
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Grues cendrées (Grus grus) le matin vers les zones de gagnage, réserve de chasse d'Arjuzanx. Photographie : André boussard |
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Grues cendrées (Grus grus) le matin vers les zones de gagnage, réserve de chasse d'Arjuzanx. Photographie : André boussard |
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Grues cendrées (Grus grus) le matin vers les zones de gagnage, réserve de chasse d'Arjuzanx. Photographie : André boussard |
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Ne pas aller sur les sites de gagnage
Vous serez peut-être tenté de rechercher les grues sur leurs lieux de nourrissage (de gagnage), qui se trouvent à 20 - 30 km des dortoirs; vous ne devez en aucun cas le faire, car la Grue cendrée est particulièrement sensible au dérangement : un véhicule qui s'arrête, une porte qui claque doucement, un homme qui marche à découvert même à plusieurs centaines de mètres déclenchent un envol. Vous imaginez bien que troubler leurs possibilités de se nourrir va pénaliser grandement ces oiseaux en entraînant des dépenses d'énergie inutiles, d'où le risque de repartir au printemps dans une forme insuffisante pour mener à bien leur nichée.
En outre,s'engager sur des pistes ou des chemins agricoles peut gêner la circulation des engins et dégrader les cultures dont dépendent les oiseaux. Il vaut donc mieux profiter des observations guidées par les animateurs de la réserve.