L'avifaune de l'Argonne est variée, et une visite de cette belle zone humide permet d'en avoir un bon aperçu.
Présentation
Situation de Belval-en-Argonne (Marne). Carte : Ornithomedia.com |
L'étang de Belval-en-Argonne a été creusé au XIIIe siècle et constitue ainsi l'un des plus anciens étangs de la Marne. Des digues y ont été édifiées au XVIIIe siècle, le divisant en cinq parties : le Petit et le Grand Normand au nord, l'étang du Bas à l'est, l'étang du Praillon au sud-ouest et l'étang du Haut à l'ouest.
C'est aussi l'un des plus vastes (plus de 200 hectares) étangs du département. Sa végétation est riche et diversifiée : roselières, peuplements de potamots et nénuphars, petites vasières (selon le niveau de l'eau), saulaies, forêt alluviale, chênaie-charmaie. La proximité des vastes forêts de Belval-en-Argonne et de Lisle-en-Barrois (côté Meuse) augmente encore sa richesse faunistique.
Les étangs accueillent plusieurs espèces végétales patrimoniales inscrites sur la liste rouge des espèces menacées de Champagne-Ardenne, dont les Renoncules langue (Ranunculus lingua) et à feuille de lierre (Ranunculus hederaceus), la Catabrose aquatique (Catabrosa aquatica), la Laîche faux-souchet (Carex pseudocyperus), la Patience des marais (Rumex palustris), la Scirpe épingle (Eleocharis acicularis) et l'Utriculaire commune (Utricularia vulgaris).
Une zone désormais protégée
Un agriculteur avait acheté la zone en 2007 et en avait asséché la plus grande partie pour y cultiver du maïs. Des roselières et des bois humides avaient alors été détruits. Suite notamment aux protestations de la commune de Belval-en-Argonne et de plusieurs associations de protection de la nature, le propriétaire décida de la revendre : elle fut acquise en juillet 2009 pour 2 675 478 €, une somme financée à hauteur de 60 % par l'Agence de l'Eau Seine-Normandie, de 14 % par la région Champagne-Ardenne , de 10 % par l'État, les 15 % restants provenant de l'association belge Natuurpunt, de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (porteuse du projet), du Conservatoire d’Espaces Naturels de Champagne-Ardenne (CENCA) et de la commune de Belval-en-Argonne.
Les 204 hectares ont été classés en réserve naturelle régionale en 2012. Le site est inclus au sein de la ZNIEFF (Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique et Faunistique) du massif forestier et de l'étang de Belval, il est inscrit dans le périmètre de la zone RAMSAR des étangs humides de Champagne-Ardenne, et est également inclus dans le périmètre de la Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux (ZICO) des étangs d’Argonne. Un Arrêté de Protection de Biotope a été signé le 4 février 2009 et concerne la quasi totalité du site.
Cette zone humide est donc désormais durablement préservée. Le CENCA associé à la LPO Champagne-Ardenne a la charge de la gestion du site : l'objectif est d'optimiser son attractivité pour la faune et la flore tout en maintenant une activité de pisciculture traditionnelle extensive et en développant l'écotourisme.
Accès
Carte et circuit de découverte (en rouge) des étangs de Belval (Marne). (MP) : emplacement d'une place de chant temporaire d'une Marouette poussin en juin 2013. Carte : Ornithomedia.com d'après Rémi Hanotel |
Depuis Sainte-Menehould au nord, rejoignez le village de Givry-en-Argonne (16 km) et prenez la direction des Charmontois par la D54. Tournez ensuite à droite sur la D 354 vers Belval-en-Argonne : les étangs de Belval sont proches, à l'ouest de ce village. Une aire de stationnement a été installée à l'est. Un sentier balisé ouvert au public, à découvrir à pied uniquement, a été créé (voir carte ci-contre).
Les oiseaux migrateurs au printemps
Au printemps, à partir du mois de mars, on assiste au passage de plusieurs espèces de canards de surface et plongeurs sur les étangs. Le Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) est un visiteur relativement régulier en avril. La Marouette ponctuée (Porzana porzana) peut être vue en halte migratoire printanière le long des digues. Quelques limicoles (chevaliers et Vanneaux huppés principalement) fréquentent les zones exondées et la végétation basse inondée. La Bécassine sourde (Lymnocryptes minimus) a déjà été observée en mars (lire La Bécassine sourde en Alsace).
Plusieurs espèces de passereaux font une halte plus ou moins longue le long des berges de l'étang : la Rémiz penduline (Remiz pendulinus) est régulièrement observée en avril-mai.
Les nicheurs
C'est avant tout son avifaune qui a fait la réputation des étangs chez les naturalistes : ils accueillent en effet des espèces nicheuses menacées, dont deux couples de Butors étoilés (Botaurus stellaris) (en 2012). Il est possible de l'entendre au printemps dès le début du sentier de découverte. Les roselières accueillent aussi la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica) (17 couples recensés en 2012), la Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus) (onze couples en 2013), la Rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus), le Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus), la Locustelle luscinioïde (Locustella luscinoides) (très rare, un couple en 2012) et le Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus), qui peuvent être entendus et vus tout le long du parcours.
Le Blongios nain (Ixobrychus minutus) est un nicheur rare dans les phragmites (deux couples en 2012), tout comme le Busard des roseaux (Circus aeruginosus) (deux couples en 2012).
Le Râle d’eau (Rallus aquaticus) (maximum estimé de 16 couples en 2012) est parfois visible en bordure de roselière, et la Foulque macroule (Fulicula atra) est une nicheuse commune (116 couples en 2012).
La reproduction de la Marouette ponctuée (Porzana porzana) est probablement occasionnelle. Notons aussi l'observation entre le 5 et le 10 juin 2013 d'une Marouette poussin (Porzana parva) chantant sur la digue semi immergée qui traverse les étangs.
Les Grèbes huppé (Podiceps cristatus) (17 couples en 2012) et castagneux (Tachybaptus ruficollis) (13 couples en 2012) sont bien visibles, tandis que le Grèbe à cou noir est rare (un seul couple en 2012).
Au niveau du futur observatoire, il est possible d'observer plusieurs espèces d'Anatidés, dont plusieurs nichent sur place : c'est le cas du Canard colvert (Anas platyrhynchos) (41 couples en 2012), du Canard souchet (Anas clypeata) (trois couples en 2012), du Canard chipeau (Anas strepera) (neuf couples en 2012), la Sarcelle d’hiver (Anas acuta) (un couple en 2012), la Sarcelle d’été (Anas querquedula) (un couple probable en 2012), le Fuligule morillon (Aythya fuligula) (de 17 à 18 couples en 2012) et le Fuligule milouin (Aythya fuligula) (35 à 36 couples en 2012).
La forêt alluviale qui borde l'étang est le domaine du Faucon hobereau (Falco subbuteo) (un couple en 2012), du Milan noir (Milvus migrans) (deux couples en 2012) et de la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti) (deux couples en 2012).
Le Balbuzard pêcheur a fait une tentative avortée de nidification en 2001, mais des individus sont observés à plusieurs reprises au printemps, ce qui peut permettre d'espérer une installation future.
En automne
Entre la fin août et le début du mois de novembre, des limicoles, dont le Courlis cendré (Numenius arquata), les Bécasseaux variable (Calidris alpina) et minute (Calidris minuta), les Chevaliers culblanc (Tringa ochropus), guignette (Actitis hypoleucos), gambette (Tringa totanus) et la Bécassine des marais (Gallinago gallinago) s'activent sur les berges et le long des digues, profitant de la baisse du niveau de l'eau.
Des petites troupes de canards (Sarcelle d'hiver, Canards colvert, souchet et chipeau) se rassemblent aussi dès la fin de l'été, mais leurs effectifs sont nettement dépassés par ceux de la Foulque macroule.
Des dortoirs de Mouettes rieuses (Chroicocephalus ridibundus) et de Goélands leucophées (Larus michahellis) se forment sur le plan d'eau. La Sterne pierregarin (Sterna hirundo) et les Guifettes noire (Chlidonis niger) et moustac (Chlidonias hybridus) font une halte plus ou moins longue (lire Nos trois guifettes dans les plumages juvénile et internuptial).
Des grands échassiers sont visibles à cette période : Cigognes noire (Ciconia nigra) et blanche (Ciconia ciconia), Héron cendré (Ardea cinerea) et Grande Aigrette (Ardea alba) (lire Pourquoi voit-on plus de Grandes Aigrettes en France ?). Des groupes de Grands Cormorans (Phalacrocorax carbo) pêchent aussi activement.
Des groupes d'oies font aussi parfois une halte en automne : l'Oie cendrée (Anser anser) est la plus commune (maximum de 956 individus en 2012-2013), mais d'autres espèces (Oies des moissons et rieuse, Bernache nonnette) sont visibles lors des vagues de froid.
Des petites troupes de Grues cendrées (Grus grus) sont parfois notées à cette période de l'année.
En hiver
Pygargue à queue blanche (Haliaaetus albicilla) juvénile (photo prise dans la Somme). Photographie : Laurent Gavory |
La période entre novembre et mars est très intéressante pour ses rassemblements de canards, qui attirent parfois de grands rapaces. Le début du sentier ("le moine") offre un bon point de vue sur l'ensemble de la zone, et le Pygargue à queue blanche (Haliaeetus albicilla) peut y être observé en chasse.
Les Anatidés sont également présents, mais une longue-vue est recommandée pour bien les voir. Voici les effectifs maximums notés durant l'hiver 2012-2013 : 210 Sarcelles d’hiver, 583 Canards colverts, 150 Canards siffleurs (Anas penelope) et 88 Canards chipeaux. Lorsqu'il fait plus froid, comme ce fut le cas en 2012-2013, des espèces plus rares sont régulièrement observées comme le Harle piette (Mergellus albellus), le Harle bièvre (Mergus merganser) et le Garrot à œil d’or (Bucephala clangula).
Des Cygnes chanteurs (Cygnus cygnus) et de Bewick (Cygnus bewickii) peuvent occasionnellement stationner sur les étangs lors des vagues de froid (respectivement 7 et 25 oiseaux durant l'hiver 2012-2013).
Le Sizerin flammé (Carduelis flammea), le Tarin des aulnes (Carduelis spinus), le Bouvreuil pivoine (Pyrrhula pyrrhula) et d'autres passereaux sont régulièrement contactés le long du sentier de découverte. Entre le 15 novembre et le 10 janvier environ, il faut essayer de repérer la sous-espèce orientale dite "trompettante" (P. p. pyrrhula) du Bouvreuil pivoine (lire L'invasion des bouvreuils trompettants ou "trompetteurs).
Le Busard Saint-Martin (Circus cyaneus) et la Pie-grièche grise (Lanius excubitor) sont régulières en hiver.
Quelques-unes des "raretés" déjà vues
Le Grimpereau des bois (Certhia familiaris) est facilement observable dans les grandes forêts proches des étangs de Belval. Photographie : Milo Bostock / Wikimedia Commons |
Les étangs de Belval réservent toujours des surprises à l'observateur, et plusieurs "raretés" y ont déjà été vues, comme l'Aigle criard (Aquila clanga) (un durant l'hiver 2000-2001), le Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax), le Fuligule nyroca (Aythya nyroca), le Grèbe jougris (Podiceps grisegena), le Grève esclavon (Podiceps auritus), le Tadorne casarca (Tadorna ferruginea), le Tarier oriental (Saxicola torquata maura) (non homologué), la Mésange à longue queue nordique (Aegithalos caudatus caudatus) (lire Les Mésanges à longue queue nordiques : attention aux pièges), la Panure à moustaches (Panurus biarmicus), le Labbe pomarin (Stercorarius pomarinus), le Vautour fauve (Gyps fulvus)...
Les autres étangs
Cette région est riche en étangs forestiers, et il est conseillé d'en visiter d'autres, comme ceux des Brauzes ou du Grand Morinval. Attention, il faut rester sur les chemins publics.
Dans les forêts proches
Une visite printanière des étangs de Belval doit être combinée avec une promenade dans les grandes forêts proches, très intéressantes d'un point de vue ornithologique. Le Gobemouche à collier (Ficedula albicollis) (nicheur rare) peut être observé à partir du mois de mai dans les forêts de Belval-en-Argonne et de Lisle-en-Barrois (côté Meuse). Le Grimpereau des bois (Certhia familiaris), considéré comme rare en Champagne-Ardenne et peu fréquent en Lorraine, est aisément observable dans ces massifs forestiers. On y trouve aussi une belle population de Mésanges boréales (Poecile montanus) (lire Distinguer les Mésanges nonnette et boréale).
Les Pics mar (Dendrocopos medius) et noir (Dryocopus martius) sont présents, tout comme l'Autour des palombes (Accipiter gentillis) (lire Différencier l'Épervier d'Europe de l'Autour des palombes). La nidification de la Cigogne noire est probable dans ces forêts humides.
Parmi les mammifères vivant dans ce biotope boisé, citons en particulier le Chat sylvestre (Felis sylvestris), qui peut parfois être vu chassant le soir en lisière de bois...