Ces deux grands étangs tourbeux sont représentatifs des zones humides de la vallée de la Sensée.
La Sensée est une petite rivière de la région Nord-Pas-de-Calais qui a creusé une vallée dans les plateaux crayeux de l'Artois et du Cambrésis. Son cours a été façonné par l’Homme : il y a exploité la tourbe dès le 10ème siècle, créant de nombreux étangs essentiellement alimentés par la nappe phréatique. Ils forment, avec les roselières, les prairies humides, les saulaies, les aulnaies, les cariçaies et les cultures une mosaïque de près de 3 000 hectares à la flore très intéressante comprenant des espèces remarquables, rares et menacées à l’échelle régionale voire nationale.
Les étangs d'Aubigny et de Brunémont (département du Nord) sont deux grands plans d'eau d'une grande richesse ornithologique typiques de cette vallée. Ils accueillent des oiseaux aquatiques nicheurs remarquables comme le Blongios nain, et la diversité des migrateurs visibles en automne est à souligner, malgré une chasse à la hutte active (le site ne bénéficie d’aucune protection).
Dans cet article, nous vous indiquons les espèces visibles selon les saisons et un exemple de circuit de découverte, et nous remercions Yann Godeau, de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) du Nord, pour nous avoir aidés à l'écrire et à l'illustrer.
Présentation
Situation des étangs de Brunémont et d'Aubigny (Nord). Carte : Ornithomedia.com |
L’extraction de la tourbe dans le secteur a commencé au Moyen-Age et s'est achevée à la fin du 19ème siècle. Elle est l'origine des étangs d’Aubigny (40 hectares) et de Brunémont (20 hectares), dont la profondeur approche les six mètres par endroits (cette activité a aussi créé de nombreux étangs dans la vallée de la Somme, lire Observer les oiseaux dans la basse vallée de la Somme et sur la côte picarde). La digue qui les sépare et sur laquelle passe aujourd'hui la D 247 daterait de l’époque médiévale et reliait l’Abbaye du Verger à ses fermes au nord.
Une zone marécageuse s'étend le long des rives nord, et l'on peut observer la succession typique de la végétation des berges : peuplements de nénuphars et de potamots, roselières (composées notamment de joncs, de massettes et de phragmites), cariçaies (quatre espèces de laîches), saulaies et aulnaies. Certains secteurs sont plantés de peupliers.
Un certain nombre d’espèces végétales patrimoniales poussent sur le site, comme la Cicutaire vireuse (Cicuta virosa), la Massette à feuilles étroites (Typha angustifolia), la Scirpe de Tabernaemontanus (Schoenoplectus tabernaemontani), la Calamagrostide blanchâtre (Calamagrostis canescens), la Grande douve (Ranunculus lingua), le Souchet brun (Cyperus fuscus), la Fougère des marais (Thelypteris palustris), le Jonc à fleurs obtuses (Juncus subnodulosus), la Butome en ombelle (Butomus umbellatus), le Myriophylle verticillé (Myriophyllum verticillatum) ou le Potamot de Fries (Potamogeton friesii).
Des prairies pâturées et des parcelles cultivées s'étendent au nord des villages de Brunémont et d’Aubigny-au-bac.
Deux libellules pouvant être considérées comme patrimoniales sont présentes, la Grande Aeschne (Aeshna grandis) et la Libellule fauve (Libellula fulva). Trois amphibiens se reproduisent sur place, le Crapaud commun (Bufo bufo), la Grenouille rousse (Rana temporaria) et la Grenouille verte (Pelophylax esculentus). La Couleuvre à collier (Natrix natrix) fréquente la totalité de la zone humide..
Précisons qu'un menhir du Néolithique, appelé "la pierre qui pousse", a été érigé sur la rive nord du marais d’Aubigny (sur le lieu-dit du "Marais-à-Tourbe").
Mais ce sont surtout les oiseaux qui attireront le visiteur.
Étang d'Aubigny (Nord) vu de la berge ouest (cliquez sur la photo pour l'agrandir). Photographie : Yann Godeau |
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Étang d'Aubigny (Nord) vu de la berge ouest (cliquez sur la photo pour l'agrandir). Photographie : Yann Godeau |
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Accès
Carte des étangs de Brunémont et d'Aubigny (Nord) : en rouge, un circuit de découverte possible. Carte : Ornithomedia.com d'après Googlemaps |
Ces marais sont situés sur les communes de Brunémont et d’Aubigny-au-Bac, à 15 km au sud de Douai.
L’accès est très facile : depuis Douai, il faut suivre la D943 (ancienne N43) en direction de Cambrai jusqu'à Bugnicourt, puis Brunémont. Le mieux est de se garer sur l'aire de stationnement de la mairie de ce village, puis de marcher sur 50 mètres le long de la rue de L’Abbaye pour arriver sur les berges de l'étang. Il est possible de faire le tour de l’étang en suivant un petit chemin agréable (prévoir des bottes par temps humide).
La rue de L’Abbaye (D 247) permet également d'avoir une très bonne vue sur l'étang voisin d’Aubigny (c'est d'ailleurs le meilleur point d'observation, mais une longue-vue est conseillée). Il est également possible de parcourir la berge sud de cet étang.
Une base de loisirs a été créée en 1937 au nord-est de l'étang et constitue un pôle d’attraction important à l’échelle du Douaisis. La base de loisirs loue des pédalos ainsi que des petits bateaux électriques (navigation réglementée), et la fréquentation est forte du 15 juillet au 15 août.
Les oiseaux nicheurs
Le Blongios nain (Ixobrychus minutus) est l'oiseau "vedette" de ces étangs : il niche tous les ans le long de la rive nord de l'étang d'Aubigny. Le Busard des roseaux (Circus aeruginosus) est un autre nicheur remarquable (mais très rare) des roselières. Cet habitat est également celui de la Rousserolle effarvatte (Acrocephalus sciparceus), du Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus), de la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti), du Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus) et du Râle d'eau (Rallus aquaticus). La Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), qui affectionne les secteurs envahis par les saules, a déjà niché.
Blongios nain (Ixobrychus minutus) juvénile. Photographie : Marek Szczepanek / Wikimedia Commons |
Le Grèbe huppé (Podiceps cristatus), le Grèbe castagneux (Tachybaptus ruficollis), la Gallinule poule-d'eau (Gallinula chloropus), la Foulque macroule (Fulicula atra), le Cygne tuberculé (Cygnus olor) et la Sterne pierregarin (Sterna hirundo) construisent leurs nids sur les étangs. Le Fuligule milouin (Aythya ferina), s'est déjà reproduit dans le marais d’Aubigny (observation d’une femelle avec des jeunes parmi les nénuphars).
Le Pic épeiche (Dendrocopos major), le Pic vert (Picus viridis), le Faucon hobereau (Falco subbuteo) (qui arrive en mai) la Buse variable (Buteo buteo), l'Épervier d'Europe (Accipiter nisus) et le Loriot d'Europe (Oriolus oriolus) sont présents dans les boisements plus ou moins humides. Le Rossignol philomèle (Luscinia megarhynchos) apprécie les secteurs au sous-bois envahi par les insectes (prévoir une crème anti-moustiques !).
Selon le bureau d'études Airele, l'Hypolaïs ictérine (Hippolais icterina) se reproduirait dans les arbustes et les haies bordant les prairies proches, ainsi que le Bruant jaune (Emberiza citrinella).
Les zones cultivées au nord des étangs sont le domaine de l'Alouette des champs (Alauda arvensis), de la Perdrix grise (Perdix perdix), de la Bergeronnette printanière (Motacilla flava) et du Bruant proyer (Milaria calandra).
Les oiseaux en automne
La migration postnuptiale est particulièrement riche, mais la chasse ne facilite pas la découverte des lieux. On peut toutefois observer une belle diversité d’oiseaux à cette époque de l'année, dont le Busard des roseaux, l'Oie cendrée (Anser anser), le Héron cendré (Ardea cinerea), le Vanneau huppé (Vanellus vanellus) et les Hirondelles de fenêtre (Delichon urbicum) et de cheminée (Hirundo rustica). La Cigogne blanche (Ciconia ciconia) reste une migratrice rare.
Les oiseaux en hiver
En hiver, la pression cynégétique est forte : de petits groupes de Fuligules morillon (Aythya fuligula) et milouin (Aythya ferina) sont toutefois visibles. Lors des vagues de froid, des espèces plus rares stationnent parfois, comme le Plongeon arctique (Gavia arctica). Le Grand Cormoran (Phalacrocorax carbo) et le Héron cendré sont visibles entre octobre et mars.
Les oiseaux au printemps
Au printemps, le Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) est un migrateur régulier et des canards de surface, dont la Sarcelle d'été (Anas querquedula) et le Canard souchet (Anas clypeata), stationnent plus ou moins longtemps.