L'automne est une bonne période pour visiter ce beau massif du nord de la Savoie, notamment pour chercher la Chevêchette d'Europe et le Cassenoix moucheté.
Le massif du Beaufortain est situé au nord du département de la Savoie : il est délimité au nord par l'aiguille Croche et le col du Joly, à l'est par l'aiguille du Grand Fond et au sud par le Cormet d'Arêches et le Grand Mont.
Il est célèbre pour sa production laitière car l'on y produit le beaufort, un fromage cuit à pâte dure surnommé le "Prince des gruyères". Cette activité agricole traditionnelle a façonné un paysage varié où alternent différents milieux : pâturages, tourbières, forêts de conifères et mixtes, prairies alpines, escarpements rocheux.
Cette diversité d’habitats explique la présence d'une avifaune montagnarde typique : on peut en effet observer dans ce massif la plupart des espèces d'altitude, de la Chevêchette d'Europe au Lagopède alpin en passant par la Niverolle alpine et la Perdrix bartavelle.
Mais pour réussir à observer certaines d'entre elles, comme le Tétras-lyre, il faut parfois marcher quelques kilomètres.
Guillaume Canova, qui connaît bien le Beaufortain, nous présente six secteurs particulièrement intéressants. Nous remercions aussi Lionel (Naturalio.blogspot.fr) et Pierre-Yvan Canova (Nature-en-beaufortain.blogspot.fr) pour leurs photos.
Accès
Situation d'Hauteluce, au coeur du Beaufortain (Savoie). Carte : Ornithomedia.com |
Situé au nord du département de la Savoie, le massif du Beaufortain est facilement accessible. Il existe deux principales voies d'accès :
- depuis Lyon, Grenoble ou Chambéry, suivre l’A430 jusqu’à Albertville, puis la D925 vers le "massif du Beaufortain – Beaufort – Les Saisies", qui passe par Queige, l’entrée l’ouest du massif;
- depuis Sallanches au nord, suivre la D121 passant par Megève, Praz-sur- Arly et Flumet. Depuis ce village, prendre la D218B jusqu’au col des Saisies.
Guillaume Canova nous propose de visiter six secteurs (les numéros correspondent à ceux de notre carte d'accès) :
- la réserve naturelle régionale de la tourbière des Saisies est facilement accessible depuis le village des Saisies. Des cartes d'accès détaillées sont disponibles sur Lessaisies.com et sur Reserves-naturelles.org;
- le col du Joly est accessible depuis Hauteluce en passant par les hameaux des Prés, de Belleville et du Planay;
- la montagne d’Outray est également accessible depuis Hauteluce : il faut prendre la petite route en lacets qui passe par Saint-Sauveur, puis garer son véhicule au niveau du dernier lacet. Faites ensuite une boucle à pied autour de la montagne en traversant le bois de Thuliettaz, en passant par le Pas d’Outray, l’abri des Trois-Moineaux et le col du Sallestet, puis rejoignez votre point de départ;
- pour atteindre le barrage de la Gittaz depuis Hauteluce, il faut rejoindre Beaufort puis prendre la D 925 jusqu’au col de Méraillet. Une petite route mène au barrage et contourne le lac de la Gittaz par le sud. Garez-vous au niveau du Châtelard puis empruntez le sentier en lacets qui part à "l’assaut" des Rochers des Enclaves;
- le grand réservoir de Roselend s’étend au sud du lac de la Gittaz : on peut atteindre son extrémité nord depuis la D 925 qui passe par le col de Méraillet cité précédemment. Garez-vous au niveau du refuge du Plan de la Lai et prenez le sentier qui rejoint le Rocher du Vent;
- pour atteindre la Combe de La Neuva, continuez sur la D 925 jusqu’au Cormet de Roselend et laissez-y votre véhicule. Continuez ensuite à pied dans la combe jusqu’au Col du Grand Fond.
Carte des environs d'Hauteluce et secteurs à visiter : (1) réserve naturelle régionale de la tourbière des Saisies - Beaufortain - Val d'Arly, (2) secteur du col du Joly, (3) la montagne d'Outray, (4) le barrage de la Gittaz et le Rocher des Enclaves, (5) le Rocher (Roc) du Vent, (6) la combe de la Neuva. Carte : Ornithomedia.com d'après Guillaume Canova |
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La Chevêchette d'Europe (Glaucidium passerinum) est notamment présente dans la réserve naturelle régionale de la tourbière des Saisies (cliquez sur la photo pour l'agrandir). Photographie : Pierre-Yvan Canova |
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1. La réserve naturelle régionale de la tourbière des Saisies - Beaufortain - Val d'Arly
S'étendant entre 1 550 et 1 718 mètres d'altitude, cette réserve naturelle régionale créée en 2013 couvre une superficie de 290 hectares, à cheval sur les territoires de Queige, Cohennoz, de Crest-Voland et d'Hauteluce. Il s’agit d’une des plus grandes tourbières acides à sphaignes d’altitude de l’arc alpin, un paysage hérité de la période glaciaire du Würm : elle doit en effet son origine au passage d'une langue glaciaire.
Sa richesse botanique est remarquable, et l'on y trouve 38 plantes rares et/ou menacées adaptées à cet habitat particulier. Un livret sur la flore de la réserve est d'ailleurs en vente à l'Office du Tourisme des Saisies (4 €).
On peut aussi y observer plusieurs espèces d'oiseaux rares et strictement montagnardes, dont la Chevêchette d’Europe (Glaucidium passerinum), qui chante surtout en automne (octobre est un bon mois pour l'écouter) et à la fin de l’hiver (écoutez un enregistrement du chant du mâle). Les nombreuses Mésanges huppées (Lophophanes cristatus) et boréales (Poecile montanus) (lire Distinguer les Mésanges nonnette et boréale) qui peuplent la forêt de conifères, et qui constituent des proies fréquentes de ce petit rapace, sont donc toujours sur leurs gardes. Une cohorte de mésanges agitées peut d'ailleurs servir à repérer une chevêchette (lire Le houspillage (ou "mobbing") chez les oiseaux et La Chevêchette d'Europe est en cours d'installation en Belgique).
Le Pic noir (Dryocopus martius) et le Cassenoix moucheté (Nucifraga caryocatactes) sont relativement courants dans les pessières : le second est particulièrement actif (et donc visible) en automne car il parcourt alors son territoire pour accumuler des réserves de nourriture avant l'hiver (lire Une mémoire de Cassenoix moucheté). Les Sizerins flammés (Carduelis flammea) préfèrent quant à eux les boisements d’Aulnes verts (Alnus viridis). Une place de chant de Tétras lyre (Tetrao tetrix) est également notée sur le site.
2. Le secteur du col du Joly
Le col du Joly observé depuis l’Aiguille croche. Photographie : Guillaume Canova |
Le col du Joly est intéressant toute l'année d'un point de vue ornithologique. En hiver, de nombreux Chocards à bec jaune (Pyrrhocorax graculus) viennent terminer les restes des repas des skieurs à proximité des restaurants d’altitude : il n’est ainsi pas rare d’observer un groupe d’une centaine d’oiseaux se poser sur les terrasses. L’Accenteur alpin (Prunella collaris) se rapproche aussi des installations humaines à cette saison. Il est également possible de voir la Niverolle alpine (Montifringilla nivalis), mais de façon plus sporadique.
Au printemps, les migrateurs retournent progressivement sur leurs sites de nidification en fonction de la fonte des neiges. Les espèces de haute montagne, qui s'étaient rapprochées des hommes en hiver, retournent alors près des sommets : on peut par exemple monter sur les crêtes de l'Aiguille croche pour espérer voir certains oiseaux comme les Niverolles alpines, qui chassent les insectes dans les pelouses alpines fleuries. Avec un peu de chance, vous apercevrez aussi la Perdrix bartavelle (Alectoris graeca). Le Grand Corbeau (Corvus corax) survole fréquemment le secteur.
Plus bas en altitude, le Tarier des prés (Saxicola rubetra) et le Traquet motteux (Oenanthe oenanthe) sont visibles dans les prairies alpines.
En automne, des oiseaux migrateurs survolent parfois le col, comme le Faucon hobereau (Falco subbuteo), l'Alouette lulu (Lullula arborea), la Bergeronnette printanière (Motacilla flava) ou le Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus).
3. La montagne d'Outray
Une randonnée sur la montagne d’Outray permet de traverser plusieurs habitats et de nombreuses espèces d’oiseaux.
En commençant votre montée à travers le bois de la Thuliettaz, vous passerez près d'une zone où des mâles de Tétras-lyres paradent au printemps. Un peu plus haut, le Merle à plastron (Turdus torquatus) est commun, et il peut même traverser le chemin devant vous.
Tétras lyres (Tetrao tetrix) paradant au printemps (cliquez sur la photo pour l'agrandir). Photographie : Lionel Canova |
Le Pas d’Outray marque la fin de la montée : en étant attentif, vous pourrez observer un Lagopède alpin (Lagopus muta) dans les immenses pierriers. Le massif du Beaufortain abrite en effet une très belle population de cette espèce de plus en plus rare et menacée. La Perdrix bartavelle est également présente et est parfois aperçue en vol (qui est rapide et sourd). En observant en contrebas, vous aurez peut-être la chance de voir une Gélinotte des bois (Bonasa bonasia) sortant du couvert forestier, le quatrième galliforme de ce secteur.
Poursuivez votre balade sur le plateau où alternent tourbières et pelouses alpines : les Traquets motteux (ici appelés "culs blancs" en raison de leur croupion blanc facilement observable) et les Pipits spioncelles (Anthus spinoletta) sont communs dans ce biotope dès le printemps. Les parades de ces derniers sont remarquables, les oiseaux s’élevant dans les airs et retombant à la manière d’un parachute pour recommencer quelques minutes plus tard.
L’Aigle royal (Aquila chrysaetos) survole la zone à la recherche de marmottes ou de chamois.
Lors de votre redescente parmi les Lys martagons (Lilium martagon), vous pourrez entendre les cris du Cassenoix moucheté et du Pic noir (Dryocopus martius).
4. Le barrage de la Gittaz et les Rochers des Enclaves
Le massif du Beaufortain compte quatre barrages. Parmi ceux-ci, celui de la Gittaz est le moins connu. La vallée dans laquelle il a été érigé accueille pourtant une avifaune riche.
En été, et malgré une altitude de près de 1 600 mètres, un couple de Circaètes Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus) chasse les nombreuses Vipères aspic (Vipera aspis) dans les alentours du réservoir. Quelques Chevêchettes d’Europe sont présentes dans la forêt en aval du barrage.
Depuis l'aire de stationnement du Châtelard, au bord du lac, on peut prendre le sentier qui s'élève en lacets vers les Rochers des Enclaves. Il est possible d’observer à une altitude suffisante les mimétiques Lagopèdes alpins et les discrètes Perdrix bartavelles. Le Monticole de roche (Monticola saxatilis), qui vit dans les pierriers, est également à rechercher.
5. Le Rocher du Vent
Au sud du lac de la Gittaz s'étend le grand réservoir de Roselend : rejoignez son extrémité nord par la D 925 et garez-vous au niveau du refuge du Plan de la Lai. Empruntez ensuite le sentier qui rejoint le Rocher (Roc) du Vent. Il s'agit d'un secteur très touristique car offrant un magnifique panorama. Sur les roches calcaires papillonne un petit oiseau que très peu de randonneurs voient, le Tichodrome échelette (Tichodroma muraria) : il explore constamment les parois pierreuses à la recherche d’insectes cachés dans les fissures, et l'on peut parfois avoir la chance d'apercevoir l'éclair rouge vif de ses ailes.
6. La combe de la Neuva
La combe de la Neuva est une petite vallée offrant une vue splendide sur le mont Blanc et sur le glacier des Glaciers. Il s'agit d'un endroit très dépaysant, bordé de parois rocheuses imposantes, et dont le fond est couvert de prairies alpines fleuries traversées par un ruisseau, la Neuva. C'est l'endroit idéal pour observer les Corvidés de montagne : le Grand Corbeau, le Chocard à bec jaune et le Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax) sont présents. Ils ont notamment pour habitude de houspiller l’Aigle royal ou le Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) lorsque ceux-ci s’approchent trop près de leurs sites de nidification. De jeunes gypaètes sont en effet régulièrement observés dans ce vallon, longeant les parois verticales dans l’espoir de trouver une carcasse. Cependant, aucun individu adulte n'est pour l’instant cantonné. De petits groupes de Vautours fauves (Gyps fulvus) estivent dans la combe.
Le Cincle plongeur (Cinclus cinclus) vit le long du ruisseau.
Le Lagopède alpin est bien présent (des dizaines d'oiseaux) à l'extrémité de la combe, près du col du Grand Fond.
Le lac de barrage de la Gittaz vu du Rocher du Vent (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Guillaume Canova |
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Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) patrouillant à la recherche d'une carcasse (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Pierre-Yvan Canova |
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