Observer les oiseaux montagnards près de Peisey-Nancroix (Savoie)

La vallée du Ponthurin et les deux versants qui la dominent accueillent une belle diversité d'espèces montagnardes, dont le Gypaète barbu.

Alpages de Peisey-Nacroix (Savoie) : au fond à droite, la pointe de l'Aliet et au fond à gauche, le dôme des Platières qui s'étend jusqu'au mont Pourri.
Photographie : Semnoz / Wikimedia Commons

Les Alpes sont le domaine de plusieurs oiseaux montagnards comme l’Aigle royal, le Chocard à bec jaune, le Grand Corbeau, le Tichodrome échelette, la Niverolle alpine ou le Monticole de roche. Et le Gypaète barbu fait à nouveau partie de l’avifaune de cette chaîne de montagnes grâce à un programme de réintroduction qui a débuté il y a près de trente ans. Peisey-Nancroix, dont une grande partie du territoire est comprise dans le parc national de la Vanoise, constitue une parfaite destination pour un séjour ornithologique : on y trouve en effet la quasi-totalité des habitats alpins, depuis les prairies de fauche jusqu'aux pelouses d'altitude en passant par les aulnaies, les falaises ou les pessières. Un couple de Gypaètes barbus y niche en outre depuis 2004. Olivier Mercier, photographe et vidéaste (voir son blog Olivier Mercier Photographies et sa page Facebook) nous propose plusieurs idées de promenades.

Abstract

The Alps are the domain of several typical mountain birds such as the Golden Eagle, the Alpine Chough, the Wallcreeper, the Snowfinch or the Rock Thrush. And the Bearded Vulture is once again a part of the avifauna of these mountains thanks to a reintroduction program that began thirty years ago. A large part of the Peisey-Nancroix commune is included in the Vanoise National Park, and it is a good idea to visit this area in Spring to discover several “specialities”. One can find there almost all alpine habitats from hayfields to alpine grasslands through alder woods, cliffs and spruce forests, and a couple of Bearded Vultures nests successfully in the sector since 2004. Olivier Mercier, photographer and videographer (website: Olivier Mercier Photographies), suggests us different ideas of circuits.

Présentation de la commune de Peisey-Nancroix

Situation de Peisey-Nancroix (Savoie).
Carte : Ornithomedia.com

D’une superficie de 7 276 hectares, Peisey-Nancroix fait partie des communes du parc national de la Vanoise, 2 668 hectares étant inclus dans sa zone centrale. Son territoire s'organise autour de la vallée du Ponthurin, dominée à l’est par le mont Pourri (3 779 mètres d'altitude) et le dôme de la Saché (3 601 mètres), au sud par le sommet de Bellecôte (qui culmine à 3 417 mètres) et au nord par l'Aiguille rouge (3 226 mètres). Grâce aux différences d'exposition (le versant nord de la vallée est ensoleillé tandis que le versant sud, exposé plein nord, est plus froid et plus humide) et d'altitude, on y trouve différents habitats : villages et vieux bâtiments, torrent et fond de vallée humide, prairies de fauche, forêts de résineux (épicéas, sapins, mélèzes), aulnaies, mégaphorbiaies (composées de plantes de grande taille comme la Laitue des Alpes Cicerbita alpina ou l’Adénostyle à feuilles d’alliaire Adenostyles alliariae), landes à Saules de Lagger (Salix repens) et à Rhododendrons ferrugineux (Rhododendron ferrugineum), pelouses sèches et d'altitude, falaises, éboulis et rochers.
La flore est intéressante et comprend 200 espèces remarquables dont la Primevère du Piémont (Primula pedemontana), l’Astragale de Lenzbourg (Astragalus leontinus), la Cobrésie simple (Kobresia simpliciuscula), la Laîche à petite arête (Carex microglochin), la Potentille blanc de neige (Potentilla nivea), le Saxifrage fausse mousse (Saxifraga muscoides), la Cortuse de Matthiole (Cortusa matthioli), le Chardon bleu des Alpes (Eryngium alpinum), la Linnée boréale (Linnaea borealis), la Gentiane utriculeuse (Gentiana utriculosa) et de Koch (Gentiana acaulis), la Pulsatille de Haller (Pulsatilla halleri), le Lis martagon (Lilium martagon), l’Edelweiss (Leontopodium nivale) ou l’Ancolie des Alpes (Aquilegia alpina).
La moitié des 28 espèces de mammifères du parc national de la Vanoise est présente sur le territoire de la commune, dont le Chamois (Rupicapra rupicapra), le Bouquetin des Alpes (Capra ibex) (disparu au 19ème siècle et réintroduit en 1969), le Mouflon de Corse (Ovis ammon) (présent épisodiquement), le Campagnol des neiges (Chionomys nivalis), la Marmotte des Alpes (Marmota marmota), le Lièvre variable (Lepus timidus), le Cerf élaphe (Cervus elaphus), le Chevreuil (Capreolus capreolus) et les Oreillards roux (Plecotus auritus) et gris (Plecotus austriacus).
Les prairies sont survolées par une intéressante diversité de papillons, dont l’Azuré de l’oxytropide (Polyommatus eros). Mais ce sont les oiseaux qui attireront la plupart des visiteurs.

Accès

Carte de la vallée du Ponthurin, Peisey-Nancroix (Savoie)

Carte de la vallée du Ponthurin sur la commune de Peisey-Nancroix (Savoie). En rouge, circuits possibles. En (1) le circuit de découverte de Rosuel.
Carte : Ornithomedia.com

Depuis Albertville (en passant par Moutiers) ou Bourg-Saint-Maurice, prendre la N90, sortir à Landry, passer par Peisey-Nancroix et suivre la direction de Rosuel - Parc de la Vanoise. Vous pouvez vous garer en hiver sur l'aire de stationnement des Lanches (à une centaine de mètres avant le hameau des Lanches) et en été près du chalet de Rosuel.
Oliver Mercier nous propose plusieurs circuits :

depuis le hameau des Lanches, traverser le pont près du hameau de Beaupraz et longer le torrent de Ponthurin, passer à proximité du refuge de Rosuel, puis poursuivre sur une piste assez large qui longe quelques maisons rénovées avant d’arriver à La Gurraz en fond de vallée;
Depuis le refuge de Rosuel, suivre le sentier de découverte de Rosuel (qui fait une boucle) qui permet de pénétrer dans la pessière et la hêtraie-sapinière. Un peu plus haut s'étend l'aulnaie verte.
Depuis le parking des Lanches, prendre le sentier vers le chalet (en ruines) des Loyes (suivre la direction du mont Pourri) au-dessus des rochers des Sétives. Il est possible de continuer jusqu'au mont Pourri.

Les Gypaètes barbus

Parmi les espèces d’oiseaux visibles à Peisey-Nancroix, le Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) est sûrement l’une des plus remarquables. Ce vautour, qui a été exterminé dans les Alpes au début du 20ème siècle, y a été réintroduit à partir de 1986, et il s’installe progressivement depuis (lire Bilan des prospections du gypaète le 16/10 et le 4/12/2010 dans les Alpes françaises).

Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) et son petit, Peisey-Nancroix, le 15 juin 2010) (cliquez sur la photo pour l'agrandir).
Photographie : Jean-Luc Danis

Côté français, huit couples ont été recensés en 2014 : un dans le Parc national du Mercantour, trois en Haute-Savoie et quatre dans le Parc national de la Vanoise qui fait figure de "nurserie" pour l'espèce. Les huit couples ont eu chacun un poussin cette année, ce qui est exceptionnel.
L’un des couples niche depuis 2004 dans les falaises des Sétives qui dominent la vallée du Ponthurin : il est bien connu des habitants et a fait l’objet d’un documentaire appelé Des gypaètes et des hommes. Il est possible de faire de très belles observations depuis le hameau de La Gurraz ou depuis le chalet des Loyes, de préférence entre 10 h et 16 h quand les gypaètes profitent des ascendances thermiques. En hiver, Olivier Mercier a pu assister à des scènes spectaculaires, comme une tentative de pillage de l’aire par des Grands Corbeaux (Corvus corax) ou l’attaque d’un gypaète sur un Aigle royal (Aquila chrysaetos) (lire Éthologie : attaque d'un Aigle royal par un Gypaète barbu dans les Alpes).
Plusieurs jeunes ont pris leur envol depuis 2004 (en 2005, 2007, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013). Mais celui né le 19 mars 2014 est mort le 12 avril, ses parents ayant déserté l’aire. Cet abandon semble dû au passage de trois parapentistes ("speed-riders") à proximité immédiate du nid. Deux ornithologues présents sur les lieux ont photographié la scène et une procédure judiciaire est actuellement en cours.
Le gypaète est en effet très sensible aux dérangements. Le couple met près de six mois pour élever son jeune, dont deux mois de couvaison en plein hiver (en janvier et février) et quatre de nourrissage jusqu'à l'envol. Lors de cette longue période d'élevage, les premières semaines sont cruciales. Les parents couvent le jeune à tour de rôle. En outre, la maturité sexuelle n’est atteinte qu'au bout de six ans, et donc tout échec de nidification a un impact important sur la population.
Afin de sensibiliser le public, le parc national de la Vanoise a installé des panneaux d’information, a contacté les associations de vol libre, les écoles de ski et les offices de tourisme, a mis en ligne des informations sur son site web et a créé une page Facebook intitulée Les-gypaètes-barbus-de-Peisey-Nancroix.

Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) et une patte d'ongulé, Peisey-Nancroix (Savoie) (cliquez sur la photo pour l'agrandir)
Photographie : Olivier Mercier

Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) et Aigle royal (Aquila chrysaetos)

Combat d'un Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) et d'un Aigle royal (Aquila chrysaetos), Peisey-Nancroix (Savoie) (cliquez sur la photo pour l'agrandir)
Photographie : Olivier Mercier

Les autres oiseaux

Forêt et aulnaie près du refuge de Rosuel

Forêt de conifères et aulnaie (zone plus claire à l'arrière-plan) près du refuge de Rosuel, commune de Peisey-Nancroix (Savoie)
Photographie : Jean-Pierre Pastro-Moissac / Sa galerie sur Flickr

Dans le village de Peisey-Nancroix et dans les hameaux qui parsèment la vallée du Ponthurin, il est possible d’observer les Moineaux domestique (Passer domesticus) et cisalpin (Passer italiae) (lire Le Moineau cisalpin est bien une espèce distincte). En hiver, le Tichodrome échelette (Tichodroma muraria) peut descendre de ses falaises et inspecter les murs des bâtiments.
Le Cincle plongeur (Cinclus cinclus) et la Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla cinerea) vivent le long du Ponthurin.
Le Tarier des prés (Saxicola rubetra) niche dans les prairies de fauche : il est souvent vu perché sur les plus grandes plantes, comme les ombellifères. La Caille des blés (Coturnix coturrnix) a déjà été entendue mais sa nidification n’est pas prouvée. La Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio) installe son nid dans les haies qui délimitent les prairies.
Le sentier de découverte de Rosuel, qui part du chalet du même nom, permet d’avoir un aperçu de l’avifaune des forêts mixtes et de conifères qui couvrent une bonne partie des pentes du massif de Bellecôte. On peut y voir ou y entendre la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) (difficile à observer), les Pics noir (Dryocopus martius) et épeiche (Dendrocopos major), les Fauvettes des jardins (Sylvia borin) et à tête noire (S. atricaplla), l'Accenteur mouchet (Prunella modularis), le Pouillot véloce (Phylloscopus collybita), le Gobemouche noir (Ficedula hypoleuca) (assez rare), les Grives musicienne (Turdus philomelos), draine (Turdus viscivorus) (en bordure et dans les clairières) et litorne (Turdus pilaris) (en lisière et dans les conifères isolés), le Merle à plastron (Turdus pilaris) (en lisière), le Venturon montagnard (Carduelis citrinella) (lisière) le Bec-croisé des sapins (Loxia curvirostra), les Mésanges noire (Pariparus ater) et huppée (Lophophanes cristatus) Le Hibou moyen-duc (Asio otus) niche dans le bois des Bettières. La Gélinotte des bois (Tetrastes bonasia) est très rare mais elle est présente dans les parties mixtes au sous-bois dense. Le sous-bois abrite des plantes intéressantes comme le Sabot de Vénus (Cypripedium calceolus). Un couple d’Aigles royaux s’est installé dans les falaises qui émergent de la forêt et ils peuvent être vus régulièrement.
Le couvert dense de l’aulnaie verte qui succède à la forêt en altitude fournit un abri au Tétras-lyre (Lyrurus tetrix) en dehors de la période de nidification, ainsi qu’à ses jeunes quand ils ne savent pas encore bien voler. Mais cette espèce est menacée par les dérangements des skieurs hors piste (venus notamment de la station de La Plagne) (lire Les impacts des sports d'hiver sur les oiseaux de montagne) (le Tétras-lyre est aussi présent dans la forêt de Plan Peisey et dans la partie supérieure du Grand Bois). La Rousserolle verderolle (Acrocephalus palustris) est une autre habitante typique de l’aulnaie verte. Le Bouvreuil pivoine (Pyrrhula pyrrhula) fréquente également ce milieu.

Falaises dominant Beaupraz et la Gurraz, commune de Peisey-Nancroix (Savoie).
Photographie : Martine B. / Sa galerie sur Flickr

Depuis l'aire de stationnement des Lanches, vous pouvez aussi suivre le sentier vers le chalet (en ruines) des Loyes et le mont Pourri. L’habitat est ici très différent, plus sec, plus rocheux et plus ensoleillé. Outre le Gypaète barbu, il est possible de voir plusieurs espèces intéressantes. La Perdrix bartavelle (Alectoris graeca) fréquente les barres rocheuses entrecoupées de pelouses sèches, en particulier près des Sétives. Le Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocrax), le Chocard à bec jaune (Pyrrhocorax graculus), le Choucas des tours (Corvus monedula), le Grand Corbeau, les Faucons crécerelle (Falco tinnunculus) et pèlerin (Falco peregrinus), l’Aigle royal, le Rougequeue noir, l’Hirondelle de rochers (Ptyonoprogne rupestris) et le Tichodrome échelette nichent dans les hautes falaises qui dominent la vallée du Ponthurin. Le Bouquetin des Alpes fréquente aussi ces falaises, et en hiver, leurs carcasses servent de nourriture au Renard roux (Vulpes vulpes), au Grand Corbeau et à l’Aigle royal.
Le Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus) chasse les reptiles le long des pentes ensoleillées et des Vautours fauves (Gyps fulvus) peuvent survoler le secteur en été.
La Marmotte des Alpes (Marmota marmota) est très commune dans les prairies, un habitat qu'elle partage avec le Pipit spioncelle (Anthus spinoletta) et l’Alouette des champs (Alauda arvensis). Le Traquet motteux (Oenanthe oenanthe) et le Monticole de roche (Monticola saxatilis) recherchent plutôt les secteurs entrecoupés de blocs rocheux.
La Niverolle alpine (Montifringilla nivalis) peut être recherchée au printemps dans les chalets en ruines, comme celui des Loyes. Plus haut (vers 2 000 mètres d’altitude), le Lagopède alpin (Lagopus muta) est présent dans les pelouses parsemées d’éboulis rocheux : Olivier Mercier nous précise qu’en automne, en faisant des photos nocturnes de paysage, il s’est retrouvé "entouré" par des lagopèdes ! L’Accenteur alpin (Prunella collaris) (lire Les moeurs sexuelles libérées de l'Accenteur alpin) et le Lièvre variable fréquentent aussi ce milieu.
Olivier Mercier a tourné une très belle vidéo sur ce secteur.

Aigle royal (Aquila chysaetos) attaquant un Renard roux (Vulpes vulpes) en hiver, Peisey-Nancroix (Savoie) (cliquez sur la photo pour l'agrandir)
Photographie : Olivier Mercier

Monticole de roche (Monticola saxatilis), Peisey-Nancroix (Savoie) (cliquez sur la photo pour l'agrandir)
Photographie : Olivier Mercier

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