Un Bruant des roseaux de la sous-espèce witherbyi a été capturé en octobre 2013 dans cette zone humide originale.
Présentation, mesures de protection et de gestion de l’étang
Situation de Courthézon (Vaucluse). Carte : Ornithomedia.com |
Bien que ne couvrant que 15 hectares, l'étang salé de Courthézon est l’une des plus importantes zones humides du Vaucluse, qui en compte peu. Il n'est alimenté que par les eaux de ruissellement et les précipitations et s’assèche souvent en été. Il joue ainsi un rôle régulateur hydrologique important, surtout en cas d’épisode orageux sévère. Il est couvert en grande partie de phragmites et de massettes qui contribuent à épurer ses eaux en absorbant les pesticides et autres substances polluantes.
Son rôle écologique a été reconnu et il a été classé "Espace Naturel Sensible" du département de Vaucluse en 2005. Il est géré par la CCPRO (Communauté de Communes des Pays Rhône et Ouvèze) et le CEN-PACA (Conservatoire d'Espaces naturels), qui mènent différentes actions afin de protéger et de maintenir la richesse de cet écosystème particulier et d’accueillir le public.
Des travaux d’entretien sont menés régulièrement :
- faucardage tous les deux ans d’une partie de la roselière pour éviter une fermeture du milieu;
- pâturage des prairies le bordant par des chevaux camarguais (huit en 2013) entre la fin avril et la fin octobre grâce à un partenariat avec des éleveurs de Courthézon (élevages Langarel et des Papes);
- maintenance du système hydraulique (vanne) pour réguler si nécessaire le niveau d’eau ;
- élimination des espèces invasives (Herbe de la Pampa, Érable negundo, Ambroisie);
- battues pour réduire la présence de sangliers.
Un sentier pédagogique de 1,5 km, adapté aux poussettes et aux personnes à mobilité réduite, a été créé, des panneaux d'information qui présentent le patrimoine historique et naturel de l'étang ont été installés, un observatoire accessible par un ponton a été construit, une aire de pique-nique et un conteneur mis à disposition des visiteurs. Des arbres ont été plantés près de l’aire de pique-nique et des aménagements légers (rambardes) sont prévus pour empêcher le public de sortir du sentier. Une plaquette a été éditée à 5 000 exemplaires par le service de communication de la mairie de Courthézon et diffusée dans les différents offices du tourisme intercommunaux et auprès de différentes administrations.
Des résultats encourageants
Plusieurs espèces d’oiseaux bénéficient de ces mesures de gestion et de protection, mais aussi de pratiques agricoles plus respectueuses dans les environs immédiats de l’étang : ainsi en 2013, un Petit-duc scops (Otus scops) chanteur a été entendu, la belle population de Chevêches d’Athéna (Athene noctua) s’est maintenue, une colonie de Guêpiers d’Europe (Merops apiaster) s’est installée dans un talus bordant une vigne proche, et grâce à des conditions hydrologiques favorables, un Blongios nain (Ixobruchus minutus) chanteur a été vu, et la Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus) ainsi que cinq espèces d’amphibiens se sont reproduites (l’étang accueille la plus forte population de Crapauds calamites du Vaucluse).
Accès
Depuis Orange au nord, prendre la N7 vers Avignon et sortir à Courthézon. L’étang salé de Courthézon se trouve entre ce village et Châteauneuf-du-Pape, non loin de la route de Châteauneuf (D92). Il faut laisser son véhicule dans l’aire de stationnement aménagée et emprunter le sentier de découverte et visiter l’observatoire.
Carte de l'étang salé de Courthézon (Vaucluse), avec le tracé du sentier de découverte (en rouge). Carte : Ornithomedia.com d'après Google Maps |
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Vue de l'étang salé de Courthézon (Vaucluse) (cliquez sur la photo pour l'agrandir). Photographie : Sylvère Corrre |
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Les oiseaux nicheurs
Les naturalistes du Conservatoire des Espaces Naturels de Provence (CEN-PACA) ont dénombré 162 espèces d’oiseaux sur l’étang, dont quelques-unes sont nicheuses. En 2013, sept couples de Grèbes castagneux (Tachybaptus ruficollis) (mais 35 à la mi-avril 2004), quatre couples de Canards colverts (Anas platyrhynchos), trois couples de Gallinules poules-d'eau (Gallinula chloropus), cinq couples de Foulques macroules (Fulica atra), dix couples de Râles d'eau (Rallus aquaticus), trois chanteurs de Rousserolles turdoïdes et un de Rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus) ont été recensés
Un Blongios nain chanteur (mais deux mâles et une femelle le 13/06/2004) a été noté, et le Busard des roseaux (Circus aeruginosus) est présent durant la période favorable, mais sans se reproduire.
L'Épervier d'Europe (Accipiter nisus) et de la Chouette hulotte (Strix aluco) nichent dans le bois au-dessus de la ferme, qui accueille un couple de Chevêches d'Athéna (Athene noctua). Un Petit-duc scops est chanteur dans les peupliers bordant le marais, où le Loriot d’Europe (Oriolus oriolus) a été entendu, et une petite (dix couples) colonie de Guêpiers d'Europe (Merops apiaster) est présente au sud de l'étang. La Fauvette mélanocéphale (Sylvia melanocephala) se reproduit dans les buissons.
Grèbe castagneux (Tachybaptus ruficollis), étang salé de Courthézon (Vaucluse). Photographie : Sylvère Corrre |
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Foulques macroules (Fulica atra), étang salé de Courthézon (Vaucluse). Photographie : Sylvère Corrre |
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Les oiseaux migrateurs au printemps
Ibis falcinelles (Plegadis falcinelus), étang salé de Courthézon (Vaucluse), mars 2014. Photographie : Sylvère Corrre |
La diversité des oiseaux migrateurs dépend beaucoup du niveau d’eau. Toutefois, la vaste roselière, même sans eau, joue toujours un rôle important en tant que dortoir pour les passereaux migrateurs.
L’étang de Courthézon est un site favorable pour rechercher la Marouette ponctuée (Porzana porzana) en mars, et la Marouette poussin (Porzana parva) a déjà été vue au printemps (avril-mai) (une notée par exemple le 08/05/2005). Mars (et avril dans une moindre mesure) est également le mois classique pour chercher la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica) de passage.
Les prairies accueillent au printemps des Bergeronnettes printanières (Motacilla flava) (recherchez d’éventuelles sous-espèces plus rares, lire Identifier les mâles des différentes sous-espèces de la Bergeronnette printanière) et des pipits, et plusieurs espèces d’Ardéidés peuvent alors visiter l’étang, comme le Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax), le Butor étoilé (Botaurus stellaris), le Héron pourpré (Ardea purpurea), le Héron gardeboeufs (Bubulcus ibis) ou le Crabier chevelu (Ardeola ralloides). En mars 2014, Sylvère Corre a observé et photographié un groupe de quatre Ibis falcinelles (Plegadis falcinelus) en vol.
Quelques limicoles, comme les Chevaliers sylvain (Tringa glareola) et culblanc (Tringa ochropus), mais aussi des gravelots, peuvent faire une halte sur les berges si le niveau d’eau est intéressant. Les canards de surface sont rares, mais un Canard chipeau (Anas strepera) ou une Sarcelle d’hiver (Anas crecca) peuvent s’arrêter.
Les oiseaux migrateurs à la fin de l’été et en automne
A la fin de l’été et en automne, des migrateurs variés peuvent aussi faire une halte sur l’étang de Courthézon, mais là encore le niveau d’eau constitue un facteur important. Les passereaux (pipits, bergeronnettes, traquets, bruants, hirondelles…) sont les plus nombreux : le 2 octobre 2013, un pic de 365 Pipits des arbres a par exemple été comptabilisé. Des oiseaux moins communs comme la Gorgebleue à miroir (deux le 14 octobre), le Pipit spioncelle (Anthus spinoletta) ou le Torcol fourmilier (Jynx torquilla) peuvent aussi être vus. Des échassiers de grande taille comme les Cigognes blanche (Ciconia ciconia) et noire (Ciconia nigra) (par exemple deux juvéniles le 29/07/2004) ou le Héron pourpré (Ardea purpurea), s’arrêtent sur le site pour se nourrir. Quelques limicoles les accompagnent.
Les roselières servent de dortoir aux hirondelles, aux passereaux paludicoles comme les rousserolles ou le Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus), et surtout aux Bruants des roseaux (Emberiza schoeniclus) (plusieurs centaines d’individus). Des Bruants proyers (Milaria calandra) (plusieurs dizaines d’oiseaux) et plus rarement des Rémiz pendulines (Remiz pendulinus) se joignent à eux. Cette forte concentration d’oiseaux attire des rapaces comme le Busard Saint-Martin (Circus cyaneus) ou le Faucon pèlerin (Falco peregrinus).
L'activité de baguage et la capture d’un Bruant des roseaux "à gros bec" en octobre 2013
Vue du site de baguage, l'étang salé de Courthézon (Vaucluse) (cliquez sur la photo pour l'agrandir). Photographie : Benjamin Vollot |
Les centaines d’oiseaux qui font une halte dans les roseaux n’attirent pas que les rapaces, ils intéressent aussi les ornithologues : depuis 2005, la commune de Courthézon et le CEN-PACA autorisent le déroulement de dix sessions de baguage entre août et mai, et plus particulièrement entre octobre et décembre (pic de présence des Bruants des roseaux). Ce suivi, qui s'effectue par des captures avec des filets japonais et la pose de bagues en métal, est assuré par Benjamin Vollot, bagueur agréé par le Muséum National d'Histoire Naturelle et salarié du parc ornithologique de pont de Gau en Camargue. Depuis 2010, 300 oiseaux sont capturés en moyenne annuellement.
Entre juillet 2012 et mai 2013, 14 espèces ont été capturées, dont deux Gorgebleues à miroir en octobre 2012. Seules quatre espèces, le Phragmite des joncs, la Rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus), le Bruant des roseaux et la Gorgebleue à miroir sont des oiseaux associés aux roselières.
Le Bruant des roseaux est l’espèce la plus nombreuse, suivi par la Mésange bleue (Cyanistes caeruleus) et le Pouillot véloce (Phylloscopus collybita). Cette pauvreté spécifique est probablement liée à la faible quantité d’eau.
L’étang salé de Courthézon sert de repère pour définir la limite nord de l'aire de répartition de la sous-espèce "à gros bec" du Bruant des roseaux (E. s. witherbyi), endémique des zones humides du centre et de l'est de la péninsule ibérique, du littoral du sud de la France et du nord du Maroc (lire Les mystérieux Bruants des roseaux "à gros bec" de l'ouest de la Méditerranée).
Le 26/10/13, une femelle présentant les critères de cette sous-espèce a été capturée sur le site. La seule autre mention aussi éloignée de l'aire normale de ce taxon avait été obtenue le 16/11/1986 à Mondragon (Vaucluse) par Georges Olioso.
La taille et la forme du bec constituent les critères les plus "visibles" pour distinguer E. s. witherbyi de E. s. schoeniclus : en se basant sur les résultats de ses activités de baguage dans le sud de la France, Benjamin Vollot a constaté que la hauteur moyenne du bec (mesurée au pied à coulisse, lire Mesurer le bec d'un oiseau) de la femelle d’E. s. witherbyi était de 5,72 mm contre 4,6 mm pour celle d’E. s. schoeniclus. Le bec de la sous-espèce whitebyi est aussi plus massif, avec un profil plus convexe.
D'après les mesures de la hauteur du bec ("BH") de 288 femelles de Bruants des roseaux de la sous-espèce nominale E. s. schoeniclus et de 48 de la sous-espèce E. s. witherbyi, on observe une différence nette entre les "petits becs" des premières et les "gros becs" des secondes (voir tableau ci-dessous).
Modèle |
Hauteur du bec (mm) de la femelle de Bruant des roseaux E. s. witherbyi (288 oiseaux) |
Hauteur du bec (mm) de la femelle de Bruant des roseaux E. s. schoeniclus (42 oiseaux) |
Minimum |
4,15 |
5,12 |
Médiane |
4,68 |
5,42 |
Moyenne |
4,678 |
5,528 |
Maximum |
5,16 |
5,72 |
Bruant des roseaux (E. s. witherbyi) femelle à gauche et Bruant des roseaux (E. s. schoeniclus) femelle à droite, étang salé de Courthézon (Vaucluse), octobre 2013 (cliquez sur la photo pour l'agrandir). Photographie : Benjamin Vollot |
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Bruant des roseaux (E. s. witherbyi) femelle en haut et Bruant des roseaux (E. s. schoeniclus) femelle en bas, étang salé de Courthézon (Vaucluse), octobre 2013 (cliquez sur la photo pour l'agrandir). Photographie : Benjamin Vollot |
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Différences de hauteur du bec (en mm) des Bruants des roseaux E. s. whiterbyi et E. s. schoeniclus. Schéma : Benjamin Vollot |
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Les oiseaux en hiver
En hiver, le nombre et la diversité d’oiseaux sont moindres. Notons toutefois la présence régulière de quelques Bécassines des marais (Gallinago gallinago), et plus rarement, de la Bécassine sourde (Lymnocryptes minimus) (lire La Bécassine sourde en Alsace).
Les amphibiens
L'étang salé de Courthézon accueille aussi le Crapaud calamite (Epidalea calamita) (plus de 500 mâles chanteurs en 2013), le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus) (sept chanteurs localisés en 2013), la Rainette méridionale (Hyla arborea) (commune, plusieurs centaines de chanteurs en 2013) et la Grenouille rieuse (Rana ridibunda) (rare depuis 2010, mais le niveau d'eau plus important en 2013 a permis une augmentation importante des effectifs).
Les libellules
16 espèces ont été recensées depuis 2010, la dernière identifiée étant l’Agrion mignon (Coenagrion scitulum), une libellule peu commune et localisée dans le Vaucluse.
Les Dentelles de Montmirail
Nous vous conseillons de combiner une visite de l'étang salé de Courthézon avec celle du petit massif calcaire des Dentelles de Montmirail, situé près des villages du Grand-Montmirail, de Gigondas, de Suzette et de Château-Neuf-Redortier, où il est possible d'observer un cortège typique d'espèces rupestres méditerranéennes comme le Percnoptère d'Égypte (Neophron percnopterus), le Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus), le Grand-duc d'Europe (Bubo bubo), le Martinet à ventre blanc (Tachymarptis melba), le Monticole bleu (Monticola solitarius) ou plusieurs fauvettes de maquis et de garrigue.