Août est un bon mois pour
chercher ce limicole discret qui s'arrête seul ou en petits groupes sur
les berges boueuses des plans d'eau et dans les prairies inondées durant
sa migration.
Mues et plumages
Topographie du plumage d'un limicole. Schéma : Ornithomedia.com |
Comme les autres espèces du genre Calidris, le Bécasseau de Temminck mue deux fois par an (lire La mue chez les oiseaux).
Les juvéniles muent les plumes de leur tête et de leur corps jusqu’en
août, puis leurs rémiges primaires et tertiaires et leurs couvertures
alaires entre décembre et mai, dans les zones d’hivernage. Les adultes
subissent une mue partielle de juillet à septembre qui se poursuit de
février à avril. On distingue plusieurs plumages en fonction de l'âge et
de la période de l'année :
- juvénile, c'est le plumage de départ;
- premier hiver (appelé aussi premier plumage de base) acquis l’année
de naissance après une mue partielle pré-basique qui se déroule entre
août et décembre et qui touche les plumes du corps, certaines
couvertures alaires et les plumes du centre de la queue;
- premier été (ou premier plumage alterné) acquis après une mue
partielle qui se déroule entre avril et juin et qui touche les plumes du
corps, des couvertures alaires et des tertiaires;
- adulte internuptial (ou plumage définitif de base) acquis après une
mue complète des plumes du corps qui se déroule entre juillet et
septembre (l’oiseau est alors âgé d’un an), mais elle peut être
interrompue jusqu’en avril;
- adulte nuptial (ou plumage définitif alterné) acquis après une mue
partielle qui se déroule entre février et mai (qui peut se poursuivre en
hiver) et qui touche la plupart des plumes du corps, des couvertures
alaires et du centre de la queue.
L’usure modifie aussi les couleurs en éliminant les franges
extérieures des plumes. L’observation des plumages et du degré d‘usure
permet donc de déterminer l’âge des bécasseaux sur le terrain.
Présentation et identification du Bécasseau de Temminck
Bécasseau de Temminck (Calidris temminckii)
adulte en plumage nuptial en halte migratoire en Zélande (Pays-Bas) le 2
août 2015 : notez (1) le bec court à base olive et légèrement arqué,
(2) la tête au dessin peu marqué, (3) le manteau peu marqué, (4)
quelques plumes à centre sombre sur les scapulaires, (5) la silhouette
allongée avec la queue qui dépasse de l'extrémité des ailes repliées,
(6) la bande pectorale sombre et (7) les pattes jaunâtres souvent tenues
fléchies (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Marc Fasol |
Longueur : 13,5 - 15 cm
Description générale : bécasseau de petite taille. Son "jizz" (lire Définition du "jizz")
est particulier, avec sa silhouette plutôt allongée et corpulente.
Posture souvent horizontale. Son cou est court et sa tête est arrondie
et proportionnellement petite, au dessin uniforme, sans sourcils pâles
nets : elle fait un peu penser à une "tête de souris". Le cercle
oculaire blanc est souvent bien marqué. Le bec court et pointu,
légèrement arqué, à teinte olivâtre à sa base.
En plumage juvénile et internuptial, il rappelle un petit Chevalier guignette (Actitis hypoleucos)
par la forme, le dessus assez uniformément brun et la poitrine brunâtre
contrastant avec le ventre blanc. L’adulte en plumage internuptial est
gris-brun uniforme dessus.
L’adulte en plumage nuptial présente sur
le manteau et les scapulaires (épaules) des plumes plus sombres à rachis
noir et à bord rouille.
Sa queue dépasse légèrement les extrémités
des ailes repliées et les rectrices externes (côté) sont blanches
(critère visible en vol ou quand l’oiseau s’étire ou fait sa toilette).
Ses pattes sont jaunâtres (jaune-vert à jaune-brun) (attention, la boue
peut les faire paraître plus sombres) et relativement courtes, et sont
souvent tenues fléchies.
En vol, on note une fine bande blanche sur le dessus des ailes.
Les
battements d’ailes sont rapides. Lorsqu'il est dérangé, il reste figé
un instant puis décolle verticalement brusquement et rapidement, comme
une bécassine. Il s'envole rapidement haut dans le ciel en zigzaguant au
lieu de partir à l'horizontale comme beaucoup de bécasseaux, poussant
en même temps ses cris flûtés trillés.
En migration, il est discret
et on l’observe seul ou en petits groupes (quelques dizaines
d’individus). Il s’alimente calmement, discrètement (il est assez
difficile à repérer), comme un petit rongeur, souvent avec les tarses
fléchis, s’aplatissant au sol quand un danger approche, à la manière
d’une bécassine.
Bécasseau de Temminck (Calidris temminckii)
adulte en plumage nuptial, Camargue (Bouches-du-Rhône), le 24 août 2011
: notez (1) le bec court à base olive et légèrement arqué, (2) la
tête au dessin peu marqué, (3) le cercle oculaire pâle, (4) le manteau
peu marqué, (5) quelques plumes à centre sombre sur les scapulaires, (6)
la bande pectorale sombre à la limite nette avec le ventre blanc, (7)
la silhouette allongée et la queue qui dépasse des ailes et (8) les
pattes jaunâtres souvent tenues fléchies (cliquez sur la photo pour
l'agrandir) Photographie : François Lelièvre / Sa galerie dans Flickr |
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Avec
sa bande pectorale sombre (1) contrastant avec le ventre blanc, ses
pattes claires (2), son cercle oculaire pâle (3) et son dessus uniforme
(4), le Chevalier guignette (Actitis hypoleucos) ressemble à un Bécasseau de Temminck "géant". Photographie : Jean Morillon |
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Bécasseau de Temminck (Calidris temminckii)
juvénile : notez (1) le bec court à base olive et légèrement arqué, (2)
le cercle oculaire blanc bien visible, la tête au dessin peu marqué,
(3) le dessus écailleux, (4) la silhouette allongée avec la queue qui
dépasse de l'extrémité des ailes repliées, (5) les rectrices externes
blanches, (6) bande pectorale sombre à la limite plus ou moins nette
avec le ventre blanc, (7) pattes jaunâtres. Photographie : Andreas Trepte / Wikimedia Commons |
Plumage juvénile : le
juvénile a un plumage frais, "propre" et net. Le dessus est écailleux
avec les scapulaires et les couvertures alaires à net liseré jaune
brunâtre avec un étroit trait subterminal sombre. L'ensemble reste
toutefois assez uniforme de loin, sans lignes blanches nettes sur le
manteau et les épaules comme chez le Bécasseau minute (Calidris minuta)
juvénile. La bande pectorale est de couleur chamois et contraste plus
ou moins fortement avec le ventre blanc. La tête est de couleur
uniforme, sans sourcils pâles nets.
Plumage de premier hiver (premier plumage de base) :
l’oiseau en plumage de premier hiver est très proche de celui de
l’adulte en plumage internuptial : il reste toutefois souvent des restes
du plumage juvénile sur les couvertures alaires et parfois sur les
tertiaires.
Plumage de premier été (premier plumage alterné) :
l'oiseau en plumage de premier été est très difficile à distinguer des
adultes en plumage nuptial sur le terrain, même si son plumage est
globalement plus terne et que des plumes juvéniles peuvent subsister.
Plumage adulte internuptial (plumage définitif de base) :
en plumage internuptial, le Bécasseau de Temminck est uniformément gris
neutre dessus (sans plumes à centre sombre) et sur la poitrine.
L'uniformité de sa coloration sur la tête (pas de sourcil pâle derrière
l’œil) et la poitrine donne l’impression qu’il porte un "capuchon". Le
cercle orbital blanc est bien net. Les plumes externes blanches de la
queue constituent toujours un critère d’identification utile en vol.
Plumage adulte nuptial (plumage définitif alterné) : par rapport aux autres espèces du genre Calidris,
les adultes en plumage nuptial sont plus ternes dessus, sans ton roux
chaud et sans extrémités blanches des plumes (pas de "bretelles"
blanches) : toutefois, un certain nombre de plumes au centre noirâtre et
à la bordure chamois-brunâtre sont visibles sur le manteau et/ou les
scapulaires. Certains oiseaux acquièrent une livrée nuptiale complète,
mais la plupart ont des plumages "mixtes" composés de plumes hivernales
usées et neuves. La poitrine supérieure est grisâtre. Contrairement à
d’autres bécasseaux, le Bécasseau de Temminck en plumage nuptial ne
présente pas de stries sombres sur les côtés de la poitrine. Le cercle
oculaire pâle est distinct et les sourcils sont inexistants. Les
rectrices externes blanches constituent toujours un critère utile.
Bécasseau de Temminck (Calidris temminckii)
adulte en plumage internuptial, Japon, 1er janvier 2013 : notez
(1) le bec court légèrement arqué, (2) la tête au dessin peu marqué, (3)
le cercle oculaire pâle, (4) le manteau et les ailes grisâtres, (5) la
silhouette allongée avec la queue qui dépasse de l'extrémité des ailes
repliées, (6) la bande pectorale sombre, et (7) les pattes jaunâtres. Photographie : Alpsdake / Wikimedia Commons |
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Bécasseau de Temminck (Calidris temminckii)
adulte en plumage nuptial, le 5 juin 2011 : notez (1) le bec court
à base olive et légèrement arqué, (2) le cercle oculaire pâle, (3) la
tête au dessin peu marqué, (4) la présence de plumes au centre sombre
sur le manteau et les scapulaires, (5) la bande pectorale sombre à la
limite nette avec le ventre blanc, (6) la silhouette allongée avec la
queue qui dépasse de l'extrémité des ailes repliées, et (7) les pattes
jaunâtres souvent tenues fléchies (cliquez sur la photo pour l'agrandir) Photographie : Andreas Trepte / Wikimedia commons |
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Voix : le cri en vol est typique, aigu,
hésitant, grésillé, trillé "tirrr-tirrr-tirrr" pouvant être répété
plusieurs fois et rapidement (écoutez un enregistrement). Le chant nuptial est un trille gazouillé, continu et léger (écoutez un enregistrement).
Bécasseau de Temminck (Calidris temminckii) de première année en halte migratoire sur les bords d'un étang à Rouvres-en-Plaine en Côte-d'Or (France), le 13/06/2015. Photographie : Samuel Desbrosses |
Biologie et comportement : oiseau
migrateur. Sur les sites de nidification, la parade des mâles est très
démonstrative : les oiseaux survolent leurs territoires lentement
et à faible hauteur en chantant sans relâche, tenant leurs ailes
relevées en les faisant vibrer et étalant la queue en exhibant le blanc
éclatant des côtés. Cette parade leur donne une silhouette
caractéristique. Par moment, les oiseaux volent sans progresser, en
montant et descendant, ou bien se postent au sommet d’un bloc de pierre
ou d’un arbuste.
Habitats : durant la période de
nidification, on le rencontre dans des secteurs ouverts subarctiques
assez secs, sablonneux ou rocailleux, à la végétation maigre ou rase,
souvent près d’eaux dormantes ou courantes jusqu’à 1 800 mètres
d’altitude. En migration, il fréquente de préférence les zones humides
de l'intérieur (rives boueuses des étangs, lacs et bassins de
décantation, prairies inondables). Il évite généralement les zones
humides côtières saumâtres, mais ce n’est pas une règle : la
Camargue est ainsi le meilleur secteur de France pour l’observer !
Répartition : le Bécasseau de Temminck a une large aire de nidification boréale, de l'Écosse
et du centre de la Scandinavie à la Sibérie (fleuve Anadyr et péninsule
de Chukoskiy). Les oiseaux nichant en Europe hivernent en Afrique du
Nord et en Afrique de l’Ouest, principalement au Niger, en Libye et au
Nigeria. Les oiseaux de l’ouest de la Sibérie, hivernent plutôt au
Moyen-Orient et en Afrique de l’Est, et les oiseaux de Sibérie centrale
et orientale hivernent quant à eux en Inde et en Asie du Sud-est. Des
migrateurs sont notés chaque année dans les îles Aléoutiennes et
Pribilof (Alaska) (lire Observer les oiseaux des îles Pribilof) et des oiseaux ont déjà été vus dans le nord-ouest des États-Unis.
Statut en France : le Bécasseau de Temminck
est un migrateur régulier mais peu abondant en Europe de l’Ouest. On
l’observe lors de la migration de printemps (mi-avril à fin mai) et
d’automne (mi-juillet à début octobre). En France, il peut être vu un
peu partout en migration, mais plus particulièrement dans l’est du pays
et le long du littoral méditerranéen (la Camargue totalise selon les
années jusqu’à 50 % des données). Quelques dizaines d’oiseaux hivernent
en France (Camargue, littoral atlantique).
Bécasseau de Temminck (Calidris temminckii)
en halte migratoire sur une mare boueuse d'un polder piétiné par le
bétail, Zélande (Pays-Bas), le 2 août 2015 (cliquez sur la photo pour
l'agrandir) Photographie : Marc Fasol |
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Aire de répartition du Bécasseau de Temminck (Calidris temminckii). En rouge, présence en été seulement. En bleu, zones d'hivernage. Carte : Ornithomedia.com |
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Risques de confusion avec d'autres bécasseaux
Le Bécasseau de Temminck est un limicole relativement facile à
identifier, mais il peut être confondu avec d’autres limicoles si les
conditions d'observation ne sont pas parfaites ou si l'on a peu
d'expérience avec l'espèce.
Bécasseau minute (Calidris minuta) :
cette espèce est bien plus commune en Europe de l'Ouest en migration et
en hiver. Son allure est plus droite, plus dodue, moins allongée. Il
est plus coloré, plus marqué, moins uniforme dessus que le Bécasseau de
Temminck. En plumage nuptial, le Bécasseau minute a une teinte chaude
typique sur la tête et le dessus alors que le Bécasseau de Temminck est
bien plus terne. En plumage juvénile, le Bécasseau minute a le dessus
plus coloré que le jeune, avec des plumes au centre sombre, des
couvertures alaires à liseré nettement blanchâtre ou brun-roux vif et
des chevrons nettement blancs au manteau et aux épaules (= "bretelles"
blanches bien visibles). Une confusion est davantage possible en plumage
internuptial, et il faudra alors utiliser les autres critères.
Sa
queue ne dépasse pas l’extrémité de ses ailes repliées, et les rectrices
externes sont grises et non pas blanches. Le Bécasseau minute ne
possède pas la bande pectorale brun-gris du Bécasseau de Temminck (le
centre et le bas de sa poitrine sont blancs). Ses pattes sont noires et
non pas jaunâtres.
Le Bécasseau minute a tendance à courir à
grande vitesse avant de s’envoler. En migration et en
hiver, contrairement au Bécasseau de Temminck, il apprécie les milieux
saumâtres (salines, estuaires, plages, lagunes), mais il peut aussi être
vu à l'intérieur des terres.
Bécasseau minute (Calidris minuta)
juvénile. Notez (1) le bec pointu et court, (2) la tête marquée avec
les sourcils bien visibles, (3) les "bretelles" blanches sur le dos, (4)
le dessus marqué et coloré, (5) le centre et le bas de la poitrine
blancs, (6) la queue plus courte ou de même longueur que les ailes
repliées, (7) les pattes noires. Photographie : Ken Billington / Focusing On Wildlife |
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Bécasseau minute (Calidris minuta) adulte en plumage internuptial, El Fayoum (Égypte) le 5 janvier 2008. Notez (1) les sourcils pâles bien marqués, (2) la poitrine pâle et (3) les pattes noires. Photographie : Leep Kee Yap / Wikimedia commons |
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Bécasseau à longs doigts (Calidris subminuta)
adulte en plumage internuptial. Notez (1) les sourcils visibles, (2) le
dessus plus fortement marqué que celui du Bécasseau de Temminck, (3) la
poitrine striée, (4) la queue plus courte que les ailes repliées, (5)
les pattes jaunes plus longues que celles du bécasseau de Temminck. Photographie : Alpsdake / wikimedia Commons |
Bécasseau à longs doigts (Calidris subminuta) :
espèce asiatique (Sibérie orientale) bien plus rare que le Bécasseau de
Temminck en Europe de l'Ouest. Dessus plus coloré et/ou plus marqué
(tacheté/écailleux) (nombreuses plumes à centre sombre) : il rappelle le
Bécasseau tacheté (Calidris melanotos). Poitrine finement
striée de sombre et non pas uniforme comme celle du Bécasseau de
Temminck. Sourcils pâles plus nets. Pattes plus longues, également
jaunâtres (attention aux pattes couvertes de boue). Arrière plus court
(allure moins allongée). La queue ne dépasse pas de l’extrémité des
ailes repliées. Côtés de la queue gris.
Bécasseau minuscule (Calidris minutilla) :
espèce nord-américaine bien plus rare en Europe de l'Ouest que le
Bécasseau de Temminck. Dessus plus fortement tacheté et/ou coloré
(nombreuses plumes à centre sombre), poitrine finement striée de sombre
et non pas uniforme comme celle du Bécasseau de Temminck, sourcils pâles
nets. Pattes également jaunâtres comme celles du Bécasseau de Temminck,
mais plus longues. Arrière plus court. Côtés de la queue gris. Le cri
du Bécasseau minuscule est légèrement plus grave et moins sonnant que
celui du Bécasseau de Temminck. Comme le Bécasseau de Temminck, il
s'envole verticalement quand il est dérangé.
Bécasseau de Baird (Calidris bairdii) :
espèce nord-américaine bien plus rare en Europe de l'Ouest que le
Bécasseau de Temminck. Il ressemble au Bécasseau de Temminck avec son
corps allongé, mais ce sont ses longues rémiges primaires et non pas sa
queue qui sont à l'origine de cet allongement. Le dessus est plus coloré
et/ou marqué, fortement festonné de sombre. Ses pattes sont sombres.
Bécasseau minuscule (Calidris minutilla)
adulte en plumage internuptial, L'Épine (Vendée), le 24/01/2013 : notez
(1) les sourcils pâles, (2) le dessus fortement marqué de sombre, (3)
la poitrine finement striée de sombre, (4) les côtés gris de la queue et
(5) les pattes jaunes. Photographie : Clément Caiveau / OiseauxVendée |
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Bécasseau de Baird (Calidris bairdii) juvénile, États-Unis,
le 27/08/2008. Notez (1) le motif écailleux régulier bien délimité de
blanc, (2) la poitrine striée de brun, (3) la queue plus courte
que les longues ailes et (4) les pattes sombres. Photographie : Dominic Sherony / Wikimedia Commons |
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